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LA FRANCE JUIVE
Daniel Deronda est*un véritable héros de roman, un patricien beau, jeune, intelligent, éloquent qui ne se doute assurément pas qu’il est de la famille de Jacob ; l’attraction de la race le pousse à s’éprendre d’une Juive. Alors intervient Mordecaï, un de ces illuminés, un de ces sectaires qui mènent le monde à l’heure actuelle au profit de la cause sémitique. Il a reconnu le coreligionnaire sous le gentleman ; il soulève devant lui un coin du voile qui cache cette politique du siècle, incompréhensible pour les superficiels et les naïfs.
Daniel ne tarde pas à connaître toute la vérité. Il est le fils d’une cantatrice célèbre, l’Alcharisi. L’Alcharisi a prié l’un de ses amants, lord Mallinger, d’adopter son fils et de l’élever comme un futur pair d’Angleterre. Tandis que l’enfant grandit, la comédienne poursuit le cours de ses succès, elle épouse un prince allemand, et quand Daniel a l’âge d’homme, elle se décide à lui révéler cette vérité qu’elle croit devoir l’attrister : « Ma mère, répond simplement Daniel, je suis heureux et fier d’être Juif . »
Mordecaï complète son initiation; il énumère à Daniel les services qu’il peut rendre aux siens, l’action qu’il peut exercer; il lui démontre qu’il est nécessaire de rétablir la nationalité d’Israël . Vous ne devineriez jamais pourquoi? « Pour servir de modèle à l’Europe affranchie! » Deronda a compris, il a trouvé, selon son expression, « sa direction sociale ». II part pour l’Orient ou tout le Sémitisme s’agite en ce moment. Il aura vu probablement Gambetta avant sa mort; il aura causé avec les banquiers juifs et les politiques juifs influents et leur aura dit : « Voyons, vieux frères, tâchez donc de faire tuer sur les rives lointaines quelques milliers de ces imbéciles de Français , cela fera du bien à Israël , à l’Angleterre... et à votre bourse. »
On comprend l’enthousiasme qu’inspirait à Alexandre Weill cette œuvre si puissante et qui touche à tant de choses. Nul romancier en France ne serait de taille à écrire un livre de cette profondeur. Tout le Judaïsme moderne est là avec son interlopie, ses mœurs cabotines représentées par l’Alcharisi, sa conspiration permanente, sa propagande socialiste personnifiée dans Mordecaï, et, dominant tout, la foi ardente dans la mission de la race.
Ainsi d’un bout à l’autre de l’univers,en Amérique comme en Abyssinie, Israël envoie des émissaires pour découvrir les débris des tribus perdues parmi lesquelles Gad et Ioaddé ont complètement disparu, tandis que d’autres ne sont représentées que par des membres peu nombreux. On les cherche avec une impatience qui se comprend, car tant qu’elles seront