43 »
LA FRANCE JUIVE
pour eux. Leur littérature témoigne de cet état d’esprit. Aux petits vers, aux poèmes badins, aux épithalames que l’on récite au dessert, dans les repas de noces, succèdent les solichas, les plaintives élégies.
Les Juifs partout murmurent maintenant les lamentations de Zerachie Ha Levy, surnommé Haisghari, l’auteur du Ruah hen, Esprit de grâce :
Hélas! la fille de Juda est revêtue de deuil parce que les ombres du soir se sont étendues.
Espère en ma bonté, ô ma colombe. Je relèverai comme jadis encore mon tabernacle ; j’y préparerai une lampe à David ton roi. Et lorsque tu seras reblanchie, je réprimerai ces bêtes féroces qui se sont tenues en embuscade pour te dévorer, ô ma belle colombe, dont la voix est agréable.
Partout il faut vendre les petites écoles, scholae inferiores, où l’on enseignait avec tant de joie à blasphémer la religion chrétienne. A Narbonne, l’école de la paroisse Saint-Félix est vendue 350 livres tournois; à Orléans, une petite école est cédée pour 140 livres parisis; une autre, plus grande, pour 340 livres.
Pendant des siècles, les Juifs ont attendri le monde sur ces malheurs et, aussitôt qu’ils ont eu un semblant d’autorité, ils ont fait fermer les écoles des autres.
Je me rappelle encore un vieux prêtre forcé de s’exiler et qui me montrait, avec des larmes dans les yeux, ses appareils scientifiques qui avaient été brisés pendant la traversée. Prenez donc, au moment des expulsions, la collection de la République française du Juif Gambetta, du Rappel du Juif Paul Meurice, de la Lanterne du Juif Eugène Mayer, du Paris du Juif Weil-Picard,' des Débats où le Juif Raffalovich partage l’influence avec Léon Say, l’homme des Rothschild: ils poussent des cris de joie sauvage au spectacle de ces pauvres religieux obligés d’abandonner leur œuvre commencée, de dire adieu à ces élèves qui sont leur unique famille dans le monde.
Il faut rendre cette justice aux Juifs, si insolents et si méprisables dans la prospérité, qu’ils supportent admirablement l’adversité. Dans les persécutions ils furent superbes; les mères souvent jetèrent elles-mêmes leurs enfants dans les flammes de peur qu’on ne les baptisât.
L’exécution de Troyes a laissé sa trace dans un poème élégiaque qui est est un des rares monuments en langue vulgaire que nous aient donné les Juifs au Moyen Age.
Moût sont a mechief Israël, l’ëgarée gent E is ne poet mes s’is, se vont enrayant;
Car d'entre os furet ars meinzproz cors sage et gent