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LA FRANCE JUIVE
dant d'opposer aux phrases hypocrites des Juifs leur véritable sentiment envers les cnrétiens. La chose est d'autaqt plus frappante que, depuis cent ans, pas un de « ces pauvres calotins » n’a dit un mot contre les Juifs, n’a réclamé une mesure de violence contre eux.
Il existe quelque diflérence, on s’en rend compte une fois de plus, entre l’histoire telle qu’on la comprend dans les Académies et dans les salons de faux catholiques, et l’histoire réelle, telle que la voient dans les faits les penseurs épris de vérité.
Le courage montré par les victimes de Troyes n'en est pas moins admirable. Pour apprécier comme il convient cette force d’àme, il faut se reporter à l’époque où ces scènes se passèrent. La société était absolument religieuse ; en se plaçant en dehors des croyances générales, le Juif ne se mettait pas seulement hors la loi, pour employer le mot de Hégel, que nous avons déjà cité, il se précipitait en quelque sorte « hors de la nature ». Quel espoir de lutter contre tant de forces réunies avait en effet cette pauvre nation qui, depuis la chute du Temple, avait trouvé son Dieu sourd à toutes ses prières ?
L’énergie des Juifs, encore une fois, fut merveilleuse. Je ne parle pas du courage montré devant les insultes, devant les bourreaux, en face des bûchers ; je parle de l’énergie, plus rare, qu’il faut pour résister à un courant, à l’influence du milieu, au sentiment d’une implacable impuissance.
Rapprochez cette attitude des bassesses que font devant un gouvernement qu’ils méprisent des gens bien posés, riches, qui n’ont qu’à attendre, et jugez...
Alors, mais alors seulement, le Juif devient le personnage qu’a peint Michelet dans une page incomparable qui a la vigueur et l’accent de vie étrange d’une eau-forte de Rembrandt:
Au Moyen Age, écrit-il, celui qui sait où est l’or, le véritable alchimiste, le vrai sorcier, c’est le Juif, ou le demi-Juif, le Lombard. Le Juif, l’homme immonde, l’homme qui ne peut toucher ni denrée ni femme qu’on ne la brûle, l’homme d’outrage, sur lequel tout le monde crache, c’est à lui qu’il faut s’adresser.
Prolifique nation, qui, par-dessus toutes les autres, eut la force multipliante, la force qui engendre, qui féconde à volonté les brebis de Jacob ou les sequins de Shylock. Pendant tout le Moyen Age, persécutés^ chassés, rappelés, ils ont fait l’indispensable intermédiaire entre le fisc et la'victiine du lise, entre l’argent et le patient, pompant l’or d’en bas et le rendant au roi par en haut avec laide grimace... Mais il leur en restait toujours quelque chose... Patients, indestructibles, ils ont vaincu par la durée.