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LA FRANCE JUIVE
chement de Guise; le duc d’Epernon leur accorda, le 17 février 1614, le droit d’acquérir des maisons dans le quartier de Saint-Ferron, mais non ailleurs. Son fils, le duc de La Valette, fixa l’intérêt qu’ils pouvaient recevoir et, pour purifier le quartier, ordonna que l’enclos qu’ils habitaient serait limité par de grands crucifix en pierre incrustés dans le mur de la dernière maison de chaque rue. Les Juifs de Metz portaient la barbe, un manteau noir et un petit rabat blanc; ils avaient été dispensés du chapeau jaune.
Quelques conversions se produisirent parmi eux. Les frères Weil abjurèrent entre les mains de Bossuet, alors chanoine de l’église cathédrale de Metz. Pendant le séjour de Louis XV à Metz, la dauphine tint sur les fonts une jeune Juive de onze ans, originaire d’un village voisin. Dans ces occasions on faisait tirer le canon et sonner la Mutte.
Au commencement du xviii» siècle, les Brancas découvrirent, je ne sais comment, l’existence de ces Juifs et eurent l’idée ingénieuse de s’en faire des revenus.
Le 31 décembre 1715, Louis de Brancas, duc de Villars, pair de France, baron d’Oise, obtint du Régent un arrêt par lequel les Juifs de Metz étaient astreints à un droit de protection à raison de 40 livres par famille.
Cette redevance était abandonnée pour dix ans à Brancas et à la comtesse de Fontaine. Les Juifs protestèrent qu’ils n’avaient nul besoin d’une pareille protection. Les Brancas s’obstinèrent à protéger quand même et l’on finit par transiger à 30 livres. Le nombre des familles juives de Metz était de 480, lors du dénombrement de 1717. En 1790, les Juifs étaient environ 3,000.
C’est un des épisodes les plus comiques du xviii* siècle que ce débat entre les Brancas et les Juifs; il fait songer à la célèbre ronde du Brésilien :
Voulez-vous ? voulez-vous?
Voulez-vous accepter mon bras?
— Je vous assure que je vais fort bien tout seul, s’écriait le Juif, quittez ce souci...
— Nenni ! nenni I répondaient les Brancas, il pourrait vous arriver malheur si vous n’étiez pas protégés, et nous en serions inconsolables.
Israël multiplia en vain, par la suite, les démarches auprès du roi; les Brancas défendirent mordicus le fief qu’ils s’étaient créé. Le brillant duc de Lauraguais, un Brancas toujours, se fit continuer cette redevance et la toucha imperturbablement jusqu’en 1792 ; il ne lâcha ses protégés malgré eux, que devant l’échafaud révolutionnaire.
« Voilà bien des abus dont nous a délivrés 89! « s’écrieront les écri-
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