19*
LA FRANCE JUIVE
à chaque négociant les forces d'une nation entière qui ne manquerait pa? de s’en servir pour opprimer le commerce de chaque maison l’une après l’autre, et par conséquent celui de toute la ville *.
Si la pratique était dangereuse partout, elle serait encore plus funeste dans cette ville de Paris. Quel théâtre pour la cupidité ! Quelle facilité pour les opérations de leur goût ! Les lois les plus vigoureuses qu’on pourrait opposer à leur admission, toute la vigilance des magistrats de police, les soins particuliers que le corps de ville prendrait pour seconder les vues de l’administration, rien ne serait capable de prévenir les actes fréquents et momentanés de leur cupidité. Il serait impossible de les suivre dans leur route oblique et ténébreuse.
Citons encore la conclusion prophétique de ce mémoire, vrai chef-d’œuvre de raison où l'on sent bien l’âme loyale et patriotique de nos ancêtres :
On demandait à un ancien philosophe d’où il était ; il répondait qu’il était cosmopolite, c’est-à-dire citoyen de l’univers. — Je préfère, disait un autre, ma famille à moi, ma patrie à ma famille, et le genre humain à ma patrie. Que les défenseurs des Juifs ne s’v méprennent pas! Les Juifs ne sont pas cosmopolites ; ils ne sont citoyens dans aucun endroit de l'univers : ils se préfèrent à tout le genre humain, ils en sont les ennemis secrets puisqu’ils se proposent de l’asservir un jour.
Ces protestations indignées eurent gain de cause. Un premier arrêt, il est vrai, daté du 25 juillet 1775, avait accordé la main-levée de marchandises saisies par les gardes des draperies et merceries de Paris chez le Juif Perpignan, et avait permis aux Juifs de continuer leur commerce, mais le Conseil réforma cette décision et un arrêt du 7 février 1777 débouta définitivement les Juifs.
Les Juifs avaient été défendus par Lacretelle, mais il faut avouer qu’ils avaient choisi là un singulier défenseur.
Ce peuple, écrivait-il 1 2 , familier avec le mépris, fait de la bassesse la voie de sa fortune ; incapable de tout ce qui demande de l’énergie, on le trouve rarement dans le crime, on le surprend sans cesse dans la friponnerie. Barbare par défiance, il sacrifierait une réputation, une fortune entière pour s’assurer la plus chétive somme.
Sans autre ressource que la ruse, il se fait une ressource de l’art de tromper. L’usure, ce monstre qui ouvre les mains de l’avarice même, pour s’assouvir davantage, qui, dans le silence, dans l’ombre, se déguise sous mille formes, calculant sans cesse les heures, les minutes d’un gain affreux, va partout, épiant les malheureux pour leur porter de perfides secours, ce monstre parait avoir choisi le Juif pour agent. Voilà ce que l’inquisition
1. Qu’est-ce donc maintenant où ministère*, police, juges, commissaires, agents subalternes, banques, journaux, tout est à eux et où ils s’entendent comme d’innombrables larrons dans une foire immense pour dépouiller le ctirétien?
2. Plaidoyer pour Moyse Gay, Godchaux et Abraham Lévy, Juifs de Met*.