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LA FRANCE JUIVE
pulation; elle ne se monte qu’à cent huit mille sept cent trente Juifs. Je consens de vous faire don de cent mille Juifs en sus; c’est tout ce que je puis faire pour votre service. Les Parsis, vos anciens maîtres, ne sont pas en plus grand nombre. Vous voulez rire avec vos quatre millions...
Rapprochez ce chiffre donné par un homme, très superficiel sans doute, mais qui était activement mêlé au mouvement de son temps, du chiffre de huit millions de Juifs ouvertement déclaré aujourd'hui *. Vous comprendrez bien le grand silence qu’Israël avait fait tout à coup autour de lui pour se consacrer à un travail souterrain contre la société. L’espèce de recueillement dans lequel le Juif était entré avait permis à l’Europe , pendant tout le xviii* siècle, de vivre relativement tranquille et de cultiver les Muses en paix avec des intermèdes de petite guerre qui, n’étant ni des conflits de race, ni des luttes de religion, ne tuaient pas grand monde. On se saluait de l’épée avant la bataille, on se serrait la main après, et l’on allait ensemble à la comédie.
A la fin du xviii* «siècle, cependant, quelques Juifs paraissent avoir réussi à s’établir à Paris dans des conditions bien précaires.
En dehors des nomades, plus ou moins recéleurs, qui se glissaient entre les mailles de la loi, on tolérait dans la capitale quelques familles juives du rite allemand venues de la Lorraine et de l’Alsace; elles avaient pour syndic chargé de les représenter un nommé Goldsmidt, dont les descendants, je crois, ont un hôtel somptueux rue de Monceau, et portent môme un titre nobiliaire qu’ils n’ont certes pas gagné aux Croisades ; elles étaient soumises à un exempt de police nommé de Brugères et devaient se présenter chez lui tous les mois pour faire renouveler leur permis de 6éjour : il restait le maître de refuser le visa et d’exiger le départ immédiat de Paris . C’était absolument, on le voit, la mise en carte qu’on applique à certaines catégories de femmes.
Outre ces familles, il existait encore à Paris une petite colonie de Juifs portugais qui, originaires de Bordeaux pour la plupart, participaient à la situation privilégiée qu’avaient méritée aux Juifs de cette ville une certaine tenue, un mérite réel, et un respect relatif, étonnant chez des Israélites , de la religion de ceux qui leur avaient accordé l’hospitalité.
t. Mirabeau, autrement au courant de la question, n’était guère plus près de la vérité. Dans son Essai sur iloses Mendelssohn, il indique, d’après les tables statistiques de liremlel, un chiffre de 962,095 Juifs en tout, en faisant remarquer que ce relevé très inexact, est probablement diminué de près de moitié. Selon lui, il y a en France (en 1781) 3,045 familles Israé lites à 5 par famille, soit 15,225; en Alsace 4,200: ce chiffre, fait remarquer Mirabeau, est trop faible d’au moins 6,000. (Voir livre I.)