Druckschrift 
La France juive : essai d'histoire contemporaine / Édouard Drumont
Entstehung
Seite
199
Einzelbild herunterladen
  

LE JUIF DANS LHISTOIKE DE FRANCE

199

Le syndic de ces Portugais était un homme auquel la science avait donné une situation à part, Jacob Rodrigues Pereire , linventeur dune méthode pour faire parler les sourds-muets. Louis XV , frappé des expé­riences auxquelles il avait assisté, avait accordé en 1750 une pension à Rodrigues Pereire ; en 1753, lAcadémie des Sciences lui avait décerné un accessit pour un Mémoire sur cette question : Quels sont les moyens de sup­pléer à l'action du vent sur les grands vaisseaux; en 1765 enfin, il avait été nommé interprète du roi pour les langues orientales.

La considération personnelle du syndic sajoutait donc à la prévention favorable quon avait pour les Juifs portugais.

Le gouvernement cependant, qui connaissait, ou plutôt qui croyait con­naître le Juif, tenait la main à ce que derrière ces individualités tolérables lenvahissement ne se produisît pas.

Une lettre de M. Lenoir adressée à Pereire et que la communauté lit imprimer, car, en définitive, elle était pour elle une garantie de certains droits subordonnés à une certaine conduite, témoigne de la sollicitude tou­jours un peu inquiète avec laquelle la vieille France veillait sur Israël * :

Tous les Juifs, en général, qui viennent à Paris , monsieur, écrit M. Lenoir, ny peuvent séjourner quau moyen de passe-ports limités qui leur sont accordés; car ils sont assujettis à une police toute particulière. Les Juifs espagnols et portugais , connus sous le nom de nouveaux chré­tiens ou marchands portugais , ont seuls été dispensés jusquà présent de cette règle; mais jai pensé que, sils nétaient eux-mêmes assujettis à un règlement particulier, il résulterait de leurs privilèges des inconvénients, notamment en ce que plusieurs Juifs étrangers pourraient prendre fausse­ment la qualité de Juifs portugais et sintroduire dans Paris pour y troubler le bon ordre; ce qui leur serait dautant plus facile, qu'au moyen de cette fausse qualité, ils ne seraient pas observés comme ils doivent naturellement lêtre.

Pour prévenir cet abus, le roi a décidé que tous les Juifs espagnols et portugais , de quelque lieu quils viennent, soient tenus, lorsquils voudront séjourner à Paris , de justifier des certificats du syndic en charge et de six autres notables de leur communauté diîment légalisés qui contiendront leur signalement et attesteront quils sont Juifs portugais.

En présentant leurs certificats et autres pièces didentité à viser, ils doivent déclarer les causes de leur séjour à Paris , leur demeure et annon­cer leur départ trois jours à lavance.

1 . Copie d'une lettre dont Voriginal et lenveloppe qui la contenait ont été déposés à M. Giraudeau, notaire à Paris , le 18 novembre 1777 , écrite le 15 du même mois, par M. Lenoir, conseiller dÉtat, lieutenant général de police de la ville, prévôté et vicomté de Paris , au sieur Pereire, pensionnaire durai, secrétaire interprète de Sa Majesté, de la société royale de Londres, agent de la nation juive portugaise de Paris , portant règlement pour les Juifs portugais.