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LA FRANCE JUIVE
trop cuire le dîner de son mari : etiam obcibum ejus nimis ardore coctumK
Avec le sans-gêne qui caractérise ces gens-là, Peixotto citait l’exemple d’un prince allié à la famille royale pour prouver que l’on n’avait pas le droit de se marier à l’étranger sans la permission du roi; il rappelait l’annulation du mariage du duc de Guise avec M Ue de Berghes. A quoi les avocats répondaient, ce qu’ils ne se permettraient plus de dire aujourd’hui, qu’un banquier, «qui n’était pas Français , quoique naturalisé, mais Juif, » n’était peut-être pas le duc de Guise.
L’aversion de Peixotto pour les liens du mariage s’expliquait par des raisons que les chroniqueurs du temps ne nous ont point cachées. Les vilains goûts du banquier étaient fort connus à Paris . A la date du 18 octobre 1780, Bachaumont écrit :
Le sieur Parizot, ci-devant directeur des élèves de l’Opéra, auteur et acteur, a un ordre de début pour les Italiens. Lorsqu’il s’est présenté à l'assemblée pour se faire agréer des comédiens, le sieur Michu a témoigné de l’humeur et s’est écrié : « Je crois qu’on veut nous infecter de tous les farceurs du boulevard. » Le sieur Volange présent, humilié de la réilexion lui a dit : « Monsieur Michu, si je ne respectais votre sexe, vous auriez affaire à moi. >» Et toute la troupe de rire: il a en effet la réputation d'un har- dache et d’appartenir au plus vilain débauché de France , à un Juif, nommé Peixotto, très riche et qui l’entretient comme sa maîtresse.
Nous avons des mœurs de Peixotto un autre témoignage dans le Parc aux Cerfs ou l'Origine de l’affreux déficit; mais il est vraiment difficile de parler de l’aventure avec la Dervieux et de la gravure avec plumes de paon qui accompagne le texte.
Je livre le tout aux éditeurs juifs de la rue du Croissant, qui pourront attribuer l’histoire à quelque honnête homme de chrétien et s’attirer ainsi l’estime de la Franc-Maçonnerie juive .
Le bruit fait par Peixotto ne devait pas cesser de sitôt.
A la suite de quelles circonstances Peixotto alla-t-il se faire baptiser en Espagne , le 18 août 1781, par don Jean Dini de la Guerra, évêque de Siguenza ? Je l’ignore ; toujours est-il qu’il offrit à l’église du village de Talence , dans le Bordelais, près duquel il possédait un château, un tableau commémoratif destiné à être placé sur le maître-autel et qui était le comble du comique.
Ce tableau avait pour sujet le baptême de Peixotto. Peixotto était en santo benito, l’épée au côté, présenté par son parrain le roi d’Espagne à la sainte Vierge. Marie, élevée dans un nuage, tenait dans ses bras l’Enfant
1. Voir livre I.