LE JUIF DANS L'HISTOIRE DE FRANCE
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toute la pompe qui accompagnait, même à la chasse, le maître du plus beau royaume du monde, heureux, souriant, de bonne humeur.
Soudain, dans les environs de ce Versailles qui éveille encore dans l’esprit une idée de grandeur etde majesté mélancolique, comme l’impression d’un soleil qui se couche dans la pourpre, au milieu de l’allée de Roquen- court, le roi aperçoit quatre vieillards à figure étrangère portant un cercueil que recouvre un drap grossier. Une petite troupe d’individus au type oriental, au nez allongé, à la mine humble, suivait. Sur l’ordre du monarque, le capitaine des gardes s’informe ; il apprend au roi que ce sont quelques-uns de ces Juifs, qui viennent trafiquer à Versailles de matières d’or et d’argent, qui transportent le cadavre d’un de leurs coreligionnaires au ci me- tière de Montrouge .
La noble pitié que nous éprouvions tout à l’heure prend au cœur cet honnête homme de roi, si faible, si incapable de tout acte viril, mais si bon aussi. Le souvenir des infortunés qu’il a croisés en route le suit dans ce palais magnifique où il trône encore dans l’éclat de sa toute-puissance. U appelle Maleslierbes, il le gagne à ses idées généreuses. En 1788, une coud mission est formée pour rechercher les moyens d’améliorer le softdes Juifs . Présidée par Maleslierbes, cette commission appela auprès d’elle quelques Israélites considérés dans leur monde : Furtado et Gradis, de Bordeaux ; Cerfbeer, de Nancy ; Jacob LaXardet Jacob Trénel, de Paris .
Hélas ! le débonnaire, qui s’occupait des misères des autres, était déjà promis à l’échafaud. Le jour du sacre il s’était, selon le cérémonial, couché quelques instants dans un linceul de velours noir qui avait été porté sur lô tombeau de Charlemagne, à Aix-la-Chapelle , et moins heureux que le youtre dont la bière indigente l’avait apitoyé, il ne devait même pas avoir de cercueil. Du premier roi très chrétien qui se fût intéressé âux Juifs, le cadavre mutilé devait aller, sans être même recouvert d’un lambeau de drap, de la planche sanglante de l’échafaud à la fosse de chaux vive de la rué d’Anjou.
A la date du 21 janvier, j’ai cherché quelquefois dahs les journaux juifs, la Lanterne de Mayer, la Nation de Dreyfus, lés journaux des frères Slmond, un mot d’éloge ou de compassion pour cet homme Si humain qui avait le premier, en France , essayé d’améliorer la situation d’Israël ; je n’ai jamais rencontré que les plus brutales invectives sur ce Gapet justement puni, peut- être, pour avoir pensé qu’on pouvait traiter les Juifs autrement qüe comme des chiens 1 .
I. Parfois on lit à cette date, dans ces journaux, des annonces telles que celle-ci du 2l janvier 1884 :
« A l'occasion de l’anniversaire de l’exécution de Louis XVI , une grande conférence-con-