LE JUIF DANS L’HISTOIRE DE FRANCE
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Illuminés, qui se proposait pour but principal la destruction du catholicisme.
L’énigmatique comte de Saint-Germain allait de ville en ville portant le mot d’ordre mystérieux, resserrant le faisceau des loges entre elles, achetant partout ceux qui étaient à vendre, troublant les esprits avec des prestiges ou des sornettes débitées avec un imperturbable aplomb.
Il faut se gardef cependant d’attacher à ces préparatifs de la Révolution, indispensables d’ailleurs à étudier, les proportions étranges et fantastiques que leur ont données les dramaturges et les romanciers. Si l’écroulement est formidable, les moyens employés pour détruire l’ancienne France furent en réalité assez simples.
Les Francs-Maçons s’étaient débarrassés du seul ennemi qu’ils eussent sérieusement à craindre dans cette société inattentive et frivole : le Jésuite . Très délié, très perspicace, le Jésuite personnifiait l’esprit français en ce qu’il a de meilleur, le bon sens, l’amour des lettres, l’équilibre de l’intelligence qui firent notre xvii e siècle si grand dans l’histoire; très informé, sans l’être aussi bien que le Juif, il avait et il a encore pour lui un certain don de flairer l’aventurier cosmopolite : il le devine d’instinct, comme le P. Olivaint, dans Jack de Daudet, devine immédiatement la noblesse de contrebande d’Ida Barency; il aperçoit le point noir chez les êtres de cette nature, non point à un défaut dans les maniérés, qui quelquefois sont correctes, mais à un certain manque de culture intellectuelle. Le système d’éducation des Jésuites , en outre, leurs exercices de logique forment des hommes capables de réfléchir, de ne pas se laisser prendre aux mots *.
A tous ces points de vue, cet adversaire, très mêlé aux affaires du monde sans ressentir aucune des passions, de la terre, était gênant, et l’habileté suprême des Francs-Maçons fut de l’éloigner du théâtre sur lequel ils allaient agir. t "
Les Jésuites virent bien le péril qui menaçait la France , puisque, dès 1774, le P. de Éeauregard avait annoncé dans la chaire de Notre-Dame qu’une prostituée serait adorée dans ce temple où il venait d’annoncer la parole de Dieu ; mais ils ne oupçonnèrent pas, on le croirait du moins, que c’était le Juif qui tenait .es cartes. La force du Juif alors était sa fai-
1. Joseph de M&istre a expliqué admirablement cet antagonisme. « Un corps, une association d’hommes marchant invariablement vers un certain but, ne peut (s’il n’y a pas moyen de l’anéantir), être combattu et réprimé que par une association contraire. Or, l’ennemi capital, naturel, inné, irréconciliable de l'illuminé, c'est le Jésuite . Ils se sentent, ils se découvrent comme le chien et le loup. Partout où on les laissera faire, il faudra que l’un dévore l’autre. »
Rabaud Saint-Etienne, protestant et révolutionnaire, a résumé la question en une pnrase : Sans l’abolition préliminaire des Jésuites, la Révolution française était impossible.