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LA FRANCE JUIVE
Une difficulté les gênait, c’était ce diable d’accent allemand ; ils jouèrent alors de la corde alsacienne, et le bon M. d’Haussonville, avec la candeur qui caractérise notre aristocratie, les aida merveilleusement par cette société des Alsaciens-Lorrains qui, malgré ses louables intentions, nous a causé un mal incalculable.
Que n’aurait-on point fait pour ces Juifs alsaciens qui disaient si patriotiquement avec l’un d’eux, le rabbin Isaac Bloch, si vertement relevé jadis par YUnivers, que la guerre de Prusse avait été conseillée par le Pape pour faire égorger les honnêtes gens, et que les Prussiens, conduits par la main de Dieu , étaient arrivés heureusement pour punir les coupables et faire sauver les innocents ?
Qu’elle est touchante et qu’elle est grande, cette généreuse et chère Alsace , qui a payé pour kt France tout entière! Quel cœur ne se sentirait remué en pensant à cette noble province que la guerre a séparée de nous! Gloire à celle-là qui, silencieuse et digne, se penche sur ses houblon- nières pourcacher ses larmes, et, quand elle relève la tête, interroge tristement l’horizon pour y chercher ce qui fut la Patrie!
Gloire à celle-là ! mais honte à cette Alsace théâtrale qui s'est mise aux gages des saltimbanques, à cette Alsace de vitrine et de café-concert que l’on voit partout, posant ou roucoulant des romances avec son éternel nœud dans les cheveux, à l’Alsace pleurarde, intrigante et quémandeuse qui déshonore la plus auguste infortune que jamais la terre ait contemplée.
L’une se recueille et prie ; l’autre bat la caisse avec son deuil, vit de l’annexion comme le Savoyard vivait de sa marmotte, organise des représentations â bénéfice et des tombolas bruyantes où les Allemands qui figurent dans le comité mettent comme gros lot un zèbre pour rappeler, disent-ils, avec leur esprit un peu lourd, la rapidité avec laquelle les Français fuyaient en 1870.
L’une a donné Kléber, Kellermann et Rapp à la France ; l’autre se personnifie dans le type grotesque qu’on appelle là-bas le Schmuler; elle adonné des Kœchlin Scharwtz, des Scheurer Kestner , des Risler; elle a enfanté des femmes assez mortes à tout patriotisme pour épouser les Floquet et les Ferry , les alfameurs de Paris assiégé *.
L’une doit être respectée et baisée au front comme une mère persé-
1. L’excuse de ces familles est qu’elles sont plus allemandes que françaises. M mc Jules Ferry est une arrière-petite-fille de l’héroïne du roman de Goethe , Werther .
La fameuse Charlotte, Charlotte Buff , née à Wetzlar , a épousé Johann-Christian Kestner de Hanovre ; elle est donc la grand’mère de M me Kestner , dont la fille est devenue la femme du président du Conseil, ami de Bleichrœder L’élément cabotin est toujours plus ou moins