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LA FRANCE JUIVE
Il me semble que l’ambassadeur d’Allemagne , engagé à se présenter dans la maison la plus officielle de France , devrait pouvoir compter que les personnes admises, en même temps que lui, à l’hospitalité du chef de l’État, soient tenues de ne pas manifester par une attitude d’animosité rancunière et de nonchalance calculée que — pour ce qui le concerne — la paix n’est pas rétablie entre la France et l’Allemagne .
Vous et moi aurions répondu immédiatement: « Monsieur le comte, je suis désolé qu’on ait invité une personne aussi mal élevée ; si elle a le malheur de se représenter à l’Élysée , je vous promets de la faire flanquer à la porte par les domestiques. »
L’infortuné Decazes songe à ses actions que Rothschild peut faire baisser le lendemain à la Bourse et il accouche du billet suivant qui, du reste, n’est pas mal tourné :
C’est au moment où commence mon audience que je reçois, monsieur le comte, votre lettre particulière datée d’hier.
Je ne parviens ni à admettre ni à comprendre qu’une pareille inconvenance ait pu se produire. C’est, en vérité, M. le maréchal, qui plus que tout autre en serait surtout directement atteint. Je vais donc l’entretenir de cet incident et prendre ses ordres.
En attendant, Votre Excellence voudra bien agréer, avec mes regrets de ce qui ne peut être qu’un malentendu, l’expression bien cordiale de ma plus haute considération.
Quant au faubourg Saint-Germain, il est encore persuadé que la baronne de Rothschild , dont le mari était le banquier de Bismarck et l’associé de Bleichrœder , a obéi à un mouvement de patriotisme, à un accès de chauvinisme français en insultant l’ambassadeur d’Allemagne . Les larmes viennent aux yeux de tous quand on raconte cette histoire. « La bonne baronne, murmurent les femmes, comme elle nous aime! »
En revanche, les mêmes gens qui passent leur vie avec des Juifs prus-
i. Les antécédents du procès d’Arnim, chez Plon.
A l’occasion du mariage de M» e Béatrix de Rothschild avec Maurice Ephrussi, M. Blei chrœder envoya, comme cadeau de noces aux jeunes époux, un tableau de Hans Makart , « une allégorie nuptiale très regardée, très commentée, » dit le Gaulois. Allons, tant mieux, notre argent sert à quelque chose !