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La France juive : essai d'histoire contemporaine / Édouard Drumont
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LA FRANCE JUIVE

combats qui se livrent dans ce cœur. Dès que loccasion se présente, le comte de Chambord singénie à chercher un prétexte, il essaie de gagner du temps, il se pelotonne dans son drapeau', comme nous nous peloton­nons dans nos draps quand on vient nous chercher à laube, lhiver, pour une corvée ennuyeuse. Dès quil a reculé, il se raisonne, il se ramène lui- même.

A ce manque de déterminisme, il faut, pour demeurer dans lanalyse vivante, joindre lintervention toute naturelle de la comtesse de Chambord. Laissez de côté toutes les phrases ; restez dans la simple humanité, et figurez-vous ce que devait éprouver cette femme dévouée lorsquelle voyait son mari, heureux près delle, faisant la charité, chassant, mangeant bien et quelle se disait : « Demain, tout ce bonheur sera remplacé par des machines infernales, des coups de pistolet, des émeutes. »

Je suis revenue une fois, disait souvent la duchesse dAngoulême , mais je ne consentirai pas à revenir une seconde fois.

La comtesse de Chambord avait été élevée avec la duchesse dAngou­ lême qui lui racontait sans cesse les scènes du Temple, les infamies répu­blicaines presque inconnues, car cest à peine si lhistoire a osé les relever, le long martyre du petit Dauphin que la pauvre princesse, blottie derrière la porte, entendait chaque matin hurler de douleur sous les coups de Simon. « Madame, me disait quelquun qui a vécu longtemps à Frosdhorlf, avait gardé de ces récits une impression ineffaçable. Le peuple de Paris lui inspirait une véritable terreur. »

Les défauts du comte de Chambord saggravèrent encore grâce aux habitudes contemporaines. Autrefois un prétendant dans cette situation eût trouvé quelque compagnon comme en avait eu Henri IV , nayant pas

I. Il nest point douteux maintenant, pour tout homme de bonne foi, que la question du drapeau nait été qu'un prétexte. A lAssemblée de Bordeaux, quelques députés orléanistes sadressèrent à M. de la Ferté, quils savaient muni des pleins pouvoirs du comte de Cham­bord, et lui demandèrent si la question du drapeau serait un obstacle. M. de la Ferté répon­dit quil était autorisé à affirmer que cette question ne ferait pas de dilliculté; il ajouta que, dans son opinion, il lui semblait impossible de ne pas maintenir le drapeau tricolore que les malheurs de la dernière guerre venaient de rendre sacré.

Le 29 ou le 30 juin 1871, M. Bocher rencontra dans la salle à manger des Réservoirs trois députés légitimistes : le duc de La Rochefoucauld-Bisaccia, le comte Armand de Maillé et le vicomte de Gontaut-Biron ; il leur demanda quel était le sens de la lettre que le comte de Paris venait de recevoir : « Il me tarde de vous serrer sur mon cœur, mais la délicatesse moblige à vous prier dattendre que je me sois expliqué avec le pays sur les questions réservées. » Ces messieurs déclarèrent quils ny comprenaient rien et quil ny avait pas « de questions réservées ». Quoiqu'il fût près de minuit à la lin de lentretien, on courut chez M. delà Ferté, on le fil lever, on lui expliqua ce dont il sagissait; il se troubla, pâlit et dit : «Je suis désavoué, ce doit être la question du drapeau! »