LE JUIF DANS L’HISTOIRE DE FRANCE
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l'héritage de 1830 et de rentrer, non seulement dans la tradition monarchique, mais encore dans la bonne tenue, dans la décence qui conviennent à une famille rangée ; à partir de la visite du 5 août 1873, il ne s’est plus considéré que comme un Dauphin.
Le 30 octobre 1873, après la publication de la fameuse lettre qui renversait tous les plans de restauration, Tailhand courut chez le comte de Paris et le trouva entouré des trois ducs : le duc de Broglie, le duc d’Au- diffret-Pasquier et le duc Decazes .
— Il n’en veut pas, dit le duc d’Audiffret-Pasquier ; monseigneur, à vous la manche.
— C’est impossible, interrompit le duc de Broglie, l’honneur vous le défend. Nous n’avons plus qu’à proroger le maréchal et à voir vénir.
Seul de tous les hommes importants du gouvernement, le duc d’Au- diffret-Pasquier, celui que Thiers comparait à un hanneton dans un tambour, intrigua pour diminuer d’avance l’autorité du Roi. Il avait dit dans un banquet auquel assistaient plusieurs curés de Normandie : « Nous le ficellerons comme un saucisson et il lui sera impossible de bouger. »
Ce propos, rapporté au comte de Chambord, éveilla, sans doute, sa défiance contre l’Assemblée, mais au fond il ne demandait qu’à être découragé.
Ce qui frappe dans le comte de Chambord, je le répète, ce qui est vraiment pathétique, c’est l’antagonisme du tempérament qui se dérobe toujours et de la conscience qui pousse sans cesse à l’accomplissement du devoir.
Après la lettre du 27 octobre, qui ne parut que le 30, parce que l'Union la garda trois jours sans vouloir l’insérer et ne se décida qu’au reçu d’un télégramme impératif, on croit tout fini. Le 17 ou le 18 novembre, le comte de Chambord arrive à Versailles .
Qu’elle est émouvante cette journée du 19 novembre 1873, qui décida peut-être du sort de notre pays ! Les députés monarchistes, qui se tenaient dans la maison voisine de celle du comte de Vansay où était descendu le roi, savaient que le comte de Chambord était à Versailles , sans se douter
qu’il était à deux pas d’eux. Ils suppliaient M. de Monti, M. de Blacas,
M. de la Bouillerie, de leur faire connaître l’endroit où se trouvait l’auguste voyageur ; ils s’accrochaient à eux pour les décider à parler.
Quelle était la situation ? Cent députés étaient prêts à se grouper sur la place d’Armes pour faire cortège au roi ; dès qu’on les aurait vus entrer à l’Assemblée en criant : Vive le Roi! cent cinquante autres se seraient ’Oints aux premiers et auraient poussé le même cri. La royauté reprenait