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La France juive : essai d'histoire contemporaine / Édouard Drumont
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LA FRANCE JUIVE

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Des deux chefs du Seize-Mai, le plus disposé à sacrifier sa vie eût été certainement ie duc de Broglie, mais il était gêné par les habitudes dun tempérament tout littéraire, par cette perpétuelle hésitation desprit qui rend les hommes dune certaine école politique impropres à toute détermi­nation virile. Fourtou, pur gascon, vrai capitan de comédie, était, avec plus de rouerie, le modèle du Sulpice Vaiulrey de Monsieur le Ministre, le provin­cial corrompu par la vie de Paris ; il ne profita de son passage au minis­tère que pour « sen fourrer jusque-. » Le duc de Broglie était timoré comme un parlementaire, l'autre poltron comme la lune; le premier avait peur dendommager sa doctrine, le second tremblait de compromettre sa peau 1 .

Toutes les fois quil fallut agir ou quon leur proposa dagir pour eux, les hommes du Seize-Mai reculèrent. M. Oscar de Vallée me racontait, à ce sujet, un détail qui a son intérêt. On avait annoncé, dans le Français , sa nomination comme procureur général à la cour de Paris . « Je suis prêt à accepter, dit-il à M. Brunet, mais je vous préviens que mon premier acte de magistrat sera de faire arrêter M. Gambetta et son fameux comité 2 .>

Le gouvernement ne pensait guère à cela. Ces prétendus catholiques, que nous avons vus si durs pour les pauvres diables île la Commune, trem­blaient devant cet Italien factieux.

Le vrai coupable, cependant, ce fut le maréchal Mac-Mahon . Il avait lui-même pris linitiative du Seize-Mai que rien ne rendait indispen­sable à ce moment; il avait répété sur tous les tons quil ne recule­rait pas; il ne voulut jamais consentir à confier le ministère de la Guerre

1. Ce ministre si mou qui, avec la puissante machine île la centralisation à sa disposition, croyait aller jusqu'aux dernières limites de laudace, en interdisant la vente du Petit Jour- un/ dans les gares, se retrouvait à la tribune; il répondait très fièrement aux menaces de la gauche victorieuse : « Si javais fait tout mon devoir, vous ne seriez pas ici. » Ce n'est pas un des moindres inconvénients du système parlementaire que de donner la direction des all'aires à des hommes qui n'ont qu'un courage tout verbal, qui s'imaginent, selon le mot de Guizot , a avoir agi quand ils ont parlé. » A part quelques exceptions, l'assurance à la tri­bune et lénergie dans faction sexclueut entre elles. Bonaparte faillit se trouver mal quand, en entrant dans la salle de lOrangerie, il aperçut trois cents fantoches couverts d'oripeaux grotesques en train de brailler. Morny, lui-même, qui fut si admirable au 2 Décembre, était obligé décrire d'avance sur un morceau de papier les moindres paroles qu'il prononçait à la Chambre.

2. &1. Raoul Duval, dont on connaît lénergie, aurait consenti au 21 Mai à se charger du portefeuille de lIntérieur. 11 ne demandait qu'à être autorisé à arrêter six cents individus qui, depuis 1810, avaient commis des délits de droit commun, et qui se promenaient tran­quillement, comme Challemel-bacour, qui n'a jamais payé les cent nulle francs auxquels il avait été condamné pour la part prise par lui dans le pillage de l'établissement de Calluire. bos conservateurs, comme toujours, firent passer leurs amitiés de salon et dacadémie avant lintérêt public, et au lieu de prendre un homme daction comme Raoul Duval. ils prirent ce malencontreux Boulé qui se couvrit d'un tel ridicule qu'il tua de désespoir.