LE JUIF DANS L’HISTOIRE DE FRANCE
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entre leurs mains; le lait, la viande, les fruits, l’eau-de-vie surtout, dont ils ne boivent pas et qu’ils frelatent avec du vitriol, trompant les Roumains, empoisonnant du même coup la ville et la campagne.
Ce peuple, dit ailleurs le même écrivain, ne veut ni servir, ni s’instruire, ni cultiver, ni payer; il ne veut participer à aucune charge, ne fait aucun sacrifice, ne se soumet même pas aux lois de police, aux règlements d’hygiène, et avec ses huit cent mille bras ne saisit ni la charrue, ni la pioche, ni le fusil — mais l’argent 1 .
Voilà les clients que M. Waddington donna à la France , la protectrice séculaire des opprimés ; voilà ceux dont il prit la cause en main, à la stupéfaction de Bismarck qui riait aux éclats à chaque séance où notre ministre remettait la question sur le tapis.
Il y eut, après le traité de Berlin , des épisodes vraiment touchants dans la douleur de ce peuple que l’Europe condamnait à disparaître devant le Juif.
Il ne s’agissait pas, nous le répétons, d’un nombre déterminé de Juifs à admettre, mais de tous les Juifs auxquels il plairait de s’établir dans ce pays au détriment des propriétaires du sol. D’après la doctrine de Wadding ton , tout Juif était citoyen roumain.
Un ancien révolutionnaire, un homme qui, pendant son exil en France , avait été l’ami de tous les républicains arrivés, Bratiano, dit à la Chambre des représentants cette parole émouvante: «Messieurs,dans ma vie politique j’ai passé par beaucoup de vicissitudes et par beaucoup de malheurs, mais nulle part et jamais je ne me suis senti aussi malheureux qu’à Berlin . »
Pendant ce temps la Juiverie exultait, et Grémieux, dans une séance de l'Alliance israèlite , s’écriait sur un ton dithyrambique :
Ma foi est grande devant notre situation aujourd’hui si belle ! Ah ! lais- sez-moi reporter tout cela à la conduite si noble, si loyale et si pure qu’a tenue à Berlin notre ministre des affaires étrangères, notre Waddington . (Plusieurs salves d’applaudissements accueillent cette parole de l’orateur.)
Ce mot notre semble indiquer que Waddington est d’origine juive; à moins que Crémieux n’ait voulu dire par là que le ministre des affaires étrangères était à eux parce qu’ils l’avaient payé.
1. Les Juifs roumains ont au moins le mérite d’avouer, avec une certaine franchise, leur horreur pour le métier des armes. Le 1 er juillet 1865, on déposait, sur le -bureau du Sénat de Buckarest,une pétition des Juifs de la commune de Leova, qui, pour s’exempter du service militaire, disaient ceci : « Comme nous autres Juifs sommes en général des peureux qui ne savons pas seulement tirer un lièvre — motif pour lequel nous avons perdu notre patrie et gémissons depuis deux mille ans d’une situation inférieure à tous, — nous ne pouvons pas être utiles au pays comme soldats. » ( Archives Israélites, année 1865.)