LE JUIF DANS L’HISTOIRE DE FRANCE
365
M. Ernest Desjardins écrit encore à ce sujet dans sa brochure : Les Juifs en Moldavie :
J’affirme que le motif religieux n’a aucune part dans les mesures prises par le Gouvernement, ni dans l’hostilité que la population témoigne aux Juifs. La tiédeur des Grecs orthodoxes pour leur culte et l’indifférence des prêtres salariés par l’État rendent impossible le moindre soupçon de persécution religieuse. Ce qu’on hait, c’est un peuple étranger dans un pays dont il absorbe la substance, formant un État dans l’État, commeles protestants en France avant les édits de Richelieu.
Mais nous avons de ce fait un témoignage plus significatif encore, celui de M. Ad. Franck, qui jouit dans le monde israélite d’une estime méritée.
Dans la réponse qu’il adresse à M. Xavier Roux, qui lui avait demandé quelles étaient, selon lui, les causes de l’agitation antisémitique qui va grandissant dans toute l’Europe, le professeur au collège de France déclare qu’en Roumanie comme en Russie,tes croyances religieuses sont absolument étrangères aux mesures prises contre les Juifs 1 .
Le savant auteur de la Kabbale serait bien aimable alors de nous dire au nom de quel principe nous intervenons dans les affaires intérieures d’un peuple qui n’a que le malheur d’être trop faible pour nous prier de nous mêler de ce qui nous concerne.
* La Roumanie cependant échappa à moitié au péril.
Un député républicain eut le courage de traiter ce sujet que tout le monde évitait avec le plus grand soin :
« Yoilà dix-huit mois, dit M. Louis Legrand dans la séance du 15 décembre 1879, que le traité de Berlin a proclamé indépendant l’État de Roumanie . L’Autriche , la Russie , la Turquie , les trois puissances les plus intéressées à l’observation du traité de Berlin , ont immédiatement reconnu l’indépendance de cette petite nationalité. L’Italie vient, à une date récente, de suivre cet exemple. Je demande que la France en fasse autant et noue avec la Roumanie des relations diplomatiques régulières. »
Waddington évita, on le comprend, de dire la vérité et d’expliquer les mobiles qui l’avaient fait agir ; il .craignait la publication de certains documents qui ne lui auraient pas fait honneur ; il se contenta d’ergoter sur la naturalisation par tête et par catégories déterminées qui ne le regardaient aucunement, et dans lesquelles le gouvernement français n’avait aucune espèce de raison de s’immiscer.
1. Annales de la philosophie chrétienne, octobre 1881.