LE JUIF DANS L'HISTOIRE DE FRANGE
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l’orateur, et, des tribunes, on entendait les députés crier en riant : l’An glais ! l’Anglais !
Waddington s’en alla à Moscou promener à nos dépens sa noblesse de carte de visite et son écusson grotesque où figuraient des fleurs de lis sous une hache d’armes, avec cette devise qui, pour un si oblique personnage, a l’air d’une raillerie : Loyauté !
Pendant son ambassade en Russie , Waddington , convaincu qu’on peut tout se permettre avec nous, fut énorme d’aplomb. Pour empêcher tout rapprochement avec la Russie , l’Allemagne désirait que nous fissions une avanie au gouvernement du czar. Waddington y consentit volontiers et, dans le grand bal officiel qu’il donna, il ne daigna pas inviter le ministre des affaires étrangères, M. de Giers.
Ce fait, que mes lecteurs m’accuseraient peut-être d’inventer par esprit de parti, est absolument authentique ; il est mentionné notamment dans le Gaulois du 22, juin 1883, par M. Louis Teste , un écrivain très modéré et très au courant des questions diplomatiques. N’est-ce pas ravissant encore, la France , à la veille de la banqueroute, offrant deux cent cinquante mille francs à un Anglais pour aller faire des insolences à la seule puissance qui ait conservé pour nous une ombre de sympathie?
L’envoi de M. Waddington à Londres a couronné cet édifice de ridicule. On avait dit que l’ancien élève de Cambridge était fixé là-bas sans esprit de retour et que, la qualité d’Anglais ne se perdant pas, il avait l’espoir d’être nommé pair. Nous n’avons pas eu cette chance ; il continue à servir l’Angleterre sur notre dos. C’est lui qui décida le gouvernement français à désavouer et à priver de son commandement le brave amiral Pierre, qui mourut de chagrin. Mais son chef-d’œuvre fut le projet d’adhésion de la France âla conférence de Londres pour le règlement de la question égyp tienne . Non seulement la France acceptait l’occupation par l’Angleterre de cette Egypte où notre influence avait été si longtemps prépondérante, où nos capitaux français s’étaient engloutis ; non seulement elle consentait à la réduction d’une dette garantie par toutes les puissances, mais elle admettait un emprunt primant tous les autres et destiné par l’Angleterre à réparer les dommages qu’elle avait seule causés.
Les Allemands et les Russes , fort heureusement, défendirent mieux nos intérêts que ne l’avaient fait nos ministres, et la conférence avorta piteusement. M. Waddington en fut inconsolable.
Quant à la conduite de Barrère, elle fut plus singulière encore. On sait avec quel intérêt toute l’Europe suivait ce qui se passait en Egypte au Hiois de septembre 1884, au moment où l’on annonçait comme imminente