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La France juive : essai d'histoire contemporaine / Édouard Drumont
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LE JUIF DANS LHISTOIRE DE FRANCE

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dit le général Mustapha ?» A la fin, il était redevenu, comme au temps de sa jeunesse, un simple banabak; on le laissait se morfondre avec les garçons de bureau et on le hélait de la porte dun dédaigneux : «, Mustapha ! » Son fez, tantôt triomphant, tantôt lamentablement affaissé et rafïalé comme son maître, racontait ces phases diverses.

La situation, en effet, nétait pas très nette. Les cinquante millions de propriété, que Sadock avait donnés à son favori, dans ces heures dépanchement, lon ne sait pas toujours ce quon fait, étaient des biens habbous, cest-à-dire inaliénables. Les uns appartenaient au collège Sadiki, les autres constituaient le domaine privé de la famile beylicale.

Ces obstacles nétaient pas de nature à arrêter des Juifs désireux de faire une affaire. Un ancien fonctionnaire du 4 Septembre, qui avait eu Gambon pour secrétaire, se chargea, moyennant un prix convenable, cela va de soi, de le rendre favorable aux prétentions de Mustapha. Gambon déclara quil était indispensable quon lui envoyât un personnage politique français , gros dinfluence et léger de scrupules, qui pût laider à peser sur le Bey.

Floquet était tout naturellement désigné pour ce rôle, et il sen alla en Tunisie plaider ce vilain procès, qui avait été déjà perdu par Mustapha devant le tribunal le Charaa, le seul compétent dans lespèce l .

Gambon avait la partie belle. « Tu vois, dit-il au Bey, le président de la Ghambre lui même sintéresse à cette question ; si tu ne cèdes pas, il tarrivera malheur et tu seras détrôné. Tu nas quune seule chose à faire, prendre pour arbitre un honnête homme, un homme étranger à cette affaire, un républicain désintéressé et pur... le vertueux Naquet 2 .»

Tout allait bien, et par statuts déposés chez M e Dupuy, notaire, à la date du 24 mars 1885, la Société foncière tunisienne fut définitivement constituée; elle comptait parmi ses fondateurs, presque tous Juifs : MM. Gery Thors, Sautter de Beauregard, Bloch, Volterra , Rey, Lévy, Gésana et Mustapha ben Ismaïl.

Un nouveau point noir ne tarda pas à se montrer. Le fonctionnaire du

1. Le tribunal français lui-même, devant lequel laffaire avait été portée, refusa de donner complètement raison aux Juifs. On prit le parti de lépurer pour avoir des juges dont on fût sûr. Le président, M. Pontois, fut nommé président de Chambre à la Cour de Nîmes.

2. Naquet , après avoir reconnu quil avait été un des actionnaires de la Société foncière tunisienne et que largent avait été versé pour lui par M. de Rothschild, avoue qu'il était désigné davance comme arbitre, mais il prétend quil avait rétrocédé ses actions. Il ne se justifie donc pas davoir avec Floquet trempé dans des spéculations sur des immeubles en litige.