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LA FRANCE JUIVE
La fête d’adieu en l’honneur des sieurs Jul. Gras et A. Cohen aura par conséquent lie t mercredi prochain 30 août, et nous comptons sur une nombreuse réunion.
Amicalement.
Pour le comité,
Le 2 e secrétaire,
Eugène wolff.
C’est deux Juifs, probablement, et certainement un, A. Cohen, qu’on veut fêter dans cette société, qui a pour président un Juif, le docteur Mayer et pour secrétaire encore un Juif, Eugène Wolff, parent probablement du Wolff, dont l’agence avait envoyé, en 1870, le fameux récit de l’outrage fait à M. Benedetti.
Mais un exemplaire de cette circulaire s’égare; il est porté, par un étonnant hasard, à un membre de la Ligue des Patriotes, dont le susceptible courage s’émeut et voit là un défi. Ce patriote, à la fibre si sensible, est-il donc un de ces Français d’ancienne date, qui ont conservé au plus profond d’eux-mêmes le souvenir des gloires de la vieille France ? Par une rencontre bizarre, ce fougueux compatriote porte le nom juif de Mayer, absolument comme le président de la société allemande.
Là-dessus qui prend feu? C’est Laurent dans le journal du Juif Weil Picard, confident du Juif Gambetta.
Tout se passe donc absolument entre Juifs, et la vie de milliers de Berrichons, de Bretons, de Poitevins, de Bourguignons se joue sur une carte, dans une arrière-boutique voisine de la Bourse, entre quelques Israélites . Il est convenu que le premier Mayer fera l’insulteur, et que le second Mayer fera l’insulté, qui bondit au nom de sa mère la France .
Pour faire réussir le coup, il faut trouver un imbécile de bonne foi. Deroulède est là. Il est absolument incapable, j’en suis convaincu, d’avoir reçu quoi que ce soit pour jouer le rôle de l’agent provocateur. C’est simplement un type bien actuel, l’homme affolé de réclame *, ayant le besoin d’être toujours en scène. Il s’est fait une sorte de profession de son bruyant patriotisme ; c’est dans ce rôle que le Paris des premières est habitué à le
1. Ajoutons que le président de la Ligne des Patriotes n’est pas toujours très scrupuleux dans les procédés qu’il emploie. Sous prétexte que M. Rothan a prodigué au gouvernement impérial les avertissements les plus clairvoyants et les plus prophétiques sur les desseins de l’Allemagne , Déroulède fait figurer sur ses listes, en quatité de vice-président, l’ancien ministre à Hambourg . Le diplomate, quine tient pas à se trouver en vedette avec les Erckmann-Çhatrian , qui ont déclaré que les officiers tombés héroïquement à Gravelotte et à Saint-Pvivat étaient des lâches ou des traîtres, proteste avec énergie. Déroulède promet de rayer son nom et n’en lait rien. Finalement, en août 1885, M. Rothan est expulsé de sa propriété de la Lutten-