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LA FRANCE JUIVE
voir, et il ne peut plus dépouiller ce personnage. Il est patriote à la ville, à la campagne, le matin, le soir, aux Variétés et aux Bouffes, à la Petite Mariée et à la Mascotte. Au Salon, à côté de vieux soldats qui ont vingt campagnes, dix blessures, il se fait peindre par Neuville, la capote enroulée autour du corps, portant dans des étuis de cuir toutes sortes d’instruments, des cartouches, des lorgnettes, un revolver.
Croyait-il vraiment que Gambetta, à la bataille du Mans , avait chargé seul en criant aux fuyards: « Retournez-vous au moins pour voir comment meurt votre général 1 » Était-il convaincu que, pareil à Jean le Bon , à Poitiers , le chef du gouvernement de la Défense nationale avait combattu deux heures sur un monceau de morts, seul, superbe, fou de douleur et de courage,
Ne gardant qu’un tronçon de trois grandes épées.
Je n’en sais rien; le fait est qu’il parlait de ce Vitellius déclamatoire, comme on ne parlerait ni du Brutus de Philippes, ni du François I " de Pavie.
Non, non, ils n’ont rien vu, rien regardé qu’eux-mêmes.
Ce sont leurs intérêts qui sont leurs seuls problèmes.
L’Etat français n’est rien pour ces esprits mesquins.
Ils ont même érigé sa faiblesse en systèmes,
Ces nouveaux féodaux des temps républicains 1
Mais val ta route est bonne, et la leur est mauvaise.
La leur, sans but commun, conduit au désarroi ;
Il faut en la suivant qu’on piétine ou qu’on biaise ;
Et, pour quiconque tend à la grandeur française,
L’Obstacle, ce sont eux! — Le Ralliement, c’est toil
Sans doute, si l’on pouvait enfermer deux ou trois heures ce vaniteux dangereux, s’il pouvait se recueillir dans cet isolement qui pèse à ces natures comme le silence du tombeau, il serait effrayé lui-même du danger qu’il a fait courir à son pays; il écouterait celui qui lui dirait : « Voyons, vous êtes un Français , un chrétien, et pour procurer une affaire aux
bach, en Alsace , où il composait tranquillement des livres qui auraient pu nous instruire, tandis que Déroulède se promène triomphalement sur le boulevard, enchanté d’avoir fait encore une fois du bruit sur le dos des autres.
Partout le sauteur apparaît. Au mois d’octobre, Déroulède écrit : « Quelles que soient mes opinions personnelles, j’ai refusé de laisser inscrire mon nom sur aucune liste, parce que la cause que je sers et que je ne veux pas abandonner me défend d’être le candidat d’aucun parti. » Six semaines après, il demande à être porté sur la liste opportuniste, et, pour donner un gage à ses méprisables amis, il enchérit sur Goblet, qui enlève leur pain à de pauvres curés de 80 ans : il demande qu’on leur enlève aussi le droit de vote, qu’on en fasse de véritables parias.