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LE JUIF DANS L'IIISTQIRE DE FRANCE
peuple le plus indigent de l’Asie et qui vivent exclusivement du riz qu’ils récoltent, ne nous achèteront pas pour un million de marchandises.
« Je défie, disait devant la commission le vice-amiral Duperré, ancien gouverneur de Gochinchine, qu’on me cite un Français pouvant gagner au Tonkin, dans l’industrie, de quoi payer son passage pour revenir en France. »
M. Alcide Bleton, qui avait été chargé par le ministre de la Marine et des Colonies d’une mission commerciale au Tonkin et dont le rapport a été publié, n’a absolument rien vu qu’on pût exporter ou importer dans ce pays. Tout ce qu’on pourrait faire, selon lui, pour gagner un peu d’argent, serait de construire des cambuses pour les employés européens et d’établir des blanchisseries. Au moment où l’Allemagne est menaçante à nos portes, faire tuer nos meilleurs soldats pour arriver à blanchir le linge sale des Annamites et des Tonkinois est une conception bien baroque.
Il n’en est pas moins vrai que nous sommes allés au Tonkin pour faire une affaire.
Sans doute, on aurait pu s’y méprendre. On entendait Tondu, même après Lang-Son, s’écrier dans les corridors : « Jamais je n’abaisserai le drapeau de la France! L’honneur national avant tout! Fallût-il sacrifier cinquante mille’hommes, que je ne quitterai pas le Tonkin! » On disait: « C’est excessif, mais c’est égal, c’est un lapin que ce Tondu... »
Dietz-Monin et Bozerian tenaient le même langage au Sénat, et les pères conscrits, frappés d’admiration, répétaient: « Ce sont deux crânes que ces deux gaillards ; ils n’ont pas froid aux yeux. »
Tout à coup M. Àndrieux apporta à la commission du Tonkin un document qui montra Tondu et ses amis sous un nouveau jour. Voici quel était le texte de ce papier:
PROJET DE CRÉATION D’UNE GRANDE COMPAGNIE FERMIÈRE DE L’ÉTAT DANS L’INDO-CHINE
article premier. Le président du conseil, ministre des Affaires étran- « gères, au nom de l'Etat, concède à la Société française générale de l’Indo- « Chine, représentée par MM. XXX, qui acceptent:
« 1° La concession pendant quatre-vingt-dix-neuf ans de toutes les « terres, forêts et mines vacantes de la Gochinchine, de l’Annam, du « Tonkin et du Cambodge, ayant un caractère domanial.
2° Le droit exclusif;
« D’établir au Tonkin, dans l’Annam et le Cambodge, une Banque « d’émission, de prêt, et d’escompte jouissant des droits et privilèges con- « férés à la Banque de l’Indo-Chine par le décret du 21 janvier 1875;
« De construire et d’exploiter les voies ferrées dont le gouvernement « français ordonnera l’établissement ;
« Et de créer et d’exploiter les lignes de transport maritimes et de