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LA FRANCE JUIVE
Villot a raconté les scènes qui se passèrent à Constantine à la nouvelle du désastre de Sedan . Toute cette population cosmopolite, « réellement ivre de joie, » trépignait de bonheur et se livrait dans les rues à des danses ignobles. Il y eut cependant un détail touchant. On avait jeté sur le pavé le buste de l’Empereur ; quelques indigènes en ramassèrent les débris et les emportèrent. N'est-ce pas émouvant, ce souverain qui a possédé le plus bel empire de la terre, et qui n’a plus pour fidèles que quelques Arabes, qui se souviennent que ce vaincu est venu jadis leur rendre visite dans tout l’éclat de sa puissance, qu’il s’est intéressé à eux, qu’il a empêché leur dépossession?
Les Juifs ne manifestèrent leur dévouement à la France qu’en se ruant, avec des Espagnols et des Maltais , sur le malheureux général Walsin- Esterhazy qui, souflrant encore d’une blessure et incapable de se défendre, fut accablé de mauvais traitements, roué de coups et obligé de se rembarquer *.
L’Algérie fut alors le théâtre d’épisodes inouïs, auxquels se mêle cet élément d’impudence et d e puffisme, ce côté saltimbanque, dit très bien Gordon, qui est entré dans les affaires publiques à la suite des Juifs. L’affaire des officiers laissés libres, à la condition de ne plus porter les armes contre la Prusse, semble un chapitre de Tartarinde Tarascon , une histoire de la Cannebière.
Vous savez de quelle écume se composent les villes d’Algérie . Depuis l’ouverture de la campagne, tous les foudres de guerre, qui déblatéraient contre nos généraux, avaient passé leur temps à faire l’absinthe dans les cafés pendant que les autres marchaient sous le soleil ardent, souffraient la soif, la faim, se battaient un contre dix. Quand nos malheureux officiers, accablés de fatigues et la plupart blessés, arrivèrent de Sedan et de Metz ,
1. Voici le certificat significatif délivré par M. Warnier au capitaine Guichard, qui avait courageusement défendu son général :
a Je sousigné, préfet d’Alger , à la date du 28 octobre et appelé par le général Walsin- Esterliazy a l’accompagner du palais du gouvernement à l’amirauté, où le triomphe de la Commune révolutionnaire l’obligeait à s’embarquer, certifie, comme témoin oculaire partageant les dangers du général Walsin -Esterhazv, que sans l’assistance du capitaine Guichard et des hommes de la 2 e batterie de l’artillerie de la milice d’Alger , qu'il commandait, nous aurions été exposés à toutes les colères de plusieurs milliers de Juifs, de Maltais , d’Espagnols , égarés par quelques énergumènes français , et que, si les avanies que nous avons subies se sont bornées à des injures et à des insultes, nous le devons à l’énergie et au dévouement de l’escorte de la 2 e batterie de l’artillerie de la milice d’Alger .
« En foi de quoi, j’ai délivré au capitaine Guichard, le présent certificat pour servir à ce que de droit.
« Warnier,