Druckschrift 
La France juive : essai d'histoire contemporaine / Édouard Drumont
Entstehung
Seite
479
Einzelbild herunterladen

419

CRÉMIEUX ET L'ALLIANCE ISRAÉLITE UNIVERSELLE

Le vrai malin, cest Grémieux; cest plaisir que de lentendre expliquer à ses frères de Y Alliance israélite, dans la séance du 12 mai 1872, comment il sy est pris pour empêcher le décret dêtre rapporté; il semble qu'on lécoute marcher avec « ces chaussures de liège » dont parle Saint-Simon. Des planches, cest ainsi quon appelle des lettres dans le jargon maçon­nique S séchangent activement. Au moment Grémieux sapprête à partir pour lAlgérie , Barthélemy Saint-Hilaire le prévient que lamiral de Gueydon vient darriver, il lui donne son adresse 1 2 . Grémieux écrit à lmiral pour lui demander un rendez-vous, mais avant de lavoir vu il lui demande une permission. Laquelle ? Cest de lui dire quil est un homme admirable. Vous voyez dici le Juif moelleux, caressant, enveloppant.

Fourtou est circonvenu à son tour. On entend, sans y assister, la con­versation du chef de la Juiverie cosmopolite, qui déniaise ce petit avocat de Ribérac devenu député influent, qui lui explique ce que cest que la Haute Banque, qui survit à tout, qui distribue les places grassement rétri­buées dadministrateurs de chemin de fer 3 . On aperçoit les yeux du Périgourdin qui sallument. « Quest-ce que jallais faire? mon Dieu ! » sécrie-t-il, et au lieu de presser la discussion du projet dont il est le rap­porteur, il promet de la retarder.

Le décret dabrogation avait été déposé par M. Lambrecht, ministre de lintérieur, le 21 juillet 1871.

Chargé du rapport, M. de Fourtou avait été fort affirmatif et fort net ; il disait notamment :

Rompre cet équilibre entre les Juifs et les Musulmans, appeler les Israé­lites à une place privilégiée dans la société algérienne, nest-ce pas réveiller fatalement contre eux-mêmes des haines non encore assoupies, allumer contre nous dimplacables colèies et jeter ainsi dans notre colonie une semence de soulèvements et de révoltes?

1. En argot maçonnique, un travail s'appelle une architecture, une pièce de monnaie, une brique, une plume un crayon, une chanson un cantique, un procès-verbal une colonne. En terme de table, la nappe est une voile ou un grand drapeau, les serviettes sont des drapeaux, les assiettes des tuiles ou des platines, les fourchettes des pioches ou des tridents, les bouteilles des barriques, les couteaux des glaives, les verres des canons. Manger cest mastiquer, boire cest tirer une canonnée.

2. « Jallais partir pour lAlgérie lorsqu'un heureux incident marrêta. Jappris que lamiral de Gueydon arrivait. M. Barthélemy Saint-Hilaire mécrivit : « Mon cher ami, lamiral est arrivé hier soir, il demeure à Paris , 9, rue dAguesseau. Je lui ai déjà fait votre compliment sur les bureaux arabes et annoncé votre visite. »

3. « M. de Fourtou fit un rapport dont les conclusions étaient pius mauvaises encore que la loi proposée. Mais la conversation que jeus avec lui à Versailles se termina par des paroles généreuses et par la promesse quil me fit de ne pas presser la mise à lordre du jour de la discussion de ce projet que je redoutais à ce moment. »