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LA FRANCE JUIVE
trer dans son champ! Il faut lire ce chapitre dans Taine pour comprendre les colères qui se formaient autour du château, grâce â cette règlementation trop sévère.
Par amour pour la chasse, la noblesse s’était aliéné les paysans; la même passion l’a amenée â fréquenter les Juifs, à aller chez eux, à manger à leur table.
Aujourd’hui nous assistons à la revanche du cerf. Pauvre cerf! Combien de fois, bramant, le cœur battant, a-t-il pleuré de ses yeux doux, cherché un refuge dans l'eau claire qui le tente, qui lui communique une sensation de bien-être, et qui bientôt glace ses jambes en sueur, le paralyse et le livre à la meute ardente qui s’est lancée après lui ! Combien, en assistant à cette douloureuse agonie, que contemplaient, avec des frémissements de volupté aux narines, des femmes accessibles à toutes les tendresses dans la vie ordinaire, ont éprouvé l’émotion du sentimental Jacques de Comme il nous- plnirn :
Aussi bien, dit le premier Seigneur au vieux Duc, cela navre le mélancolique Jacques. 11 jure que vous êtes, sous ce rapport, un plus grand usurpateur que votre frère qui vous a banni. Aujourd’hui, messire d’Amiens et moi-même, nous nous sommes fauiilés derrière lui, comme il était étendu sous un chêne dont les antiques rameaux se projettent sur le ruisseau qui clapote le long de ce bois. Là, un pauvre cerf égaré, qu’avait blessé le trait des chasseurs, est venu râler; et vraiment, monseigneur, le pauvre animal poussait de tels sanglots, que, sous leur eflort, sa cotte de cuir se tendait presque à éclater. De grosses larmes roulaient, l’une après l'autre, sur son innocent museau. Et ainsi la hôte velue, observée tendrement par le mélancolique Jacques, se tenait sur le bord extrême du rapide ruisseau qu’elle grossissait de ses larmes. Et lui jurait que nous sommes de purs usurpateurs, des tyrans, et ce qu’il y a de pire, d’effrayer ainsi les animaux, et de les massacrer dans le domaine que leur assigne la nature.
N’est-il pas vengé le cerf infortuné, traqué ainsi de siècle en siècle, par le spectacle de tous ces porteurs de beaux noms se traînant, sous l’ironique sourire des valets, à la suite de quelque immonde Juif d'Allemagne et de Itussie qui a bien voulu inviter la noblesse h se divertir avec lui?
Que de souvenirs viennent à ces malheureux! (les torèts où ont chevauché les ancêtres, les conquérants hardis de la vieille (laule, noire de bois, sont hantées encore par les légendes du passé. Les Fées ont habité au bord de ces étangs, et c’est ici, peut-être, qu’au-dessus de la ramure d’un cerf, la figure de Jésus-Uhrist, toute resplendissante de clarté, apparut à saint Hubert. Les soirs d’hiver, au milieu d’ombres fantastiques, une chasse étrange, la chasserot/ale faisait retentirles halliersde clameursqui n’avaient,