o31
PARIS JUIF ET LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE
cliives ; mais ce qui reste est encore assez considérable pour consoler de ce que nous avons perdu.
N’est-il pas vrai que cela vous a un certain ton qui ne sent point le parvenu et le Juif?
Rien n’est intéressant, d’ailleurs, comme l’histoire d’une si illustre race, faite uniquement avec des documents et des lettres autographes. On y suit de siècle en siècle les transformations de la noblesse. Le féodal traite presque d’égal à égal avec le roi, il lui prête de l’argent pour lever des troupes, afin de repousser les Anglais . Un Talmont meurt à Marignan, un la Trémoille tombe à côté de François I er , à Pavie, après avoir reçu trente- sept blessures. Les rapports du duc de la Trémoille et d’Henri IV 7 sont encore ceux de l’amitié ; le roi écrit à son fidèle compagnon d’armes pour lui expliquer les motifs de sa conversion. Puis la noblesse militaire devient la noblesse de cour. Il n’est plus question que de cordons bleus et de gouvernements, et, à la veille de la Révolution, Marie-Antoinette écrit à sa cousine pour lui promettre une faveur de ce genre. Le prince de Talmont, on le sait, prend une part glorieuse à la guerre de Vendée . Par un raffinement de cruauté, on l’amène de Rennes à son château de Laval pour être guillotiné dans la cour d’honneur. Après l’exécution, les paysans, que la amille a comblés de bienfaits pendant des siècles, dansent en rond autour de la tète attachée h une pique, en chantant:
Monsieur de la Trémoille Mouille!
Monsieur de la Trémoille Mouillera!
Et regardez le contraste ! Cet homme, qui a le souci de sa race, qui, pareil à ces chevaliers qui préparaient d’avance le tombeau où ils devaient reposer morts, élève aux siens un monument digne d’eux, est le commensal assidu de ces rogneurs d’écus de Francfort , enrichis par les spéculations que vous connaissez.
En voyant tombé si lias ce descendant de tant de connétables; de ducs et pairs, de grands et fiers seigneurs, je songeais au Dux que Gladel écrivit sur le conseil de Baudelaire . Ce n’est pas le premier venu que ce romancier au style tourmenté. Les autres ne se préoccupent jamais de chercher d’où vient le personnage qu’ils mettent en scène ; c’est un passant quelconque qui arrive on ne sait d’où. Cladel , au contraire, reconstitue avant tout l’origine de ses héros; il connaît qu’un Celte, un Germain, un Gallo-Ro-
*