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Naturellement aucun nom n’est omis. Voici le prince Murat, le duc de Broglie, Buffet, le comte de Turenne, le vicomte d’Harcourt, le duc et la duchesse de la Bochefoucauld-Bisaccia, le duc de La Trémoille, le duc de Montmorency, le comte d’Andigné,la duchesse de Fitz-James, le prince de Ligne, le prince de Léon, le comte de Mailly-Nesles, la comtesse de Cler mont-Tonnerre , la duchesse de Maillé, tout l’armorial de France , en un mot, accouru pour adorer le Veau d’or et pour proclamer à la face de l’Europe que la richesse est la seule royauté qui existe encore.
Quand il y a fête, il va sans dire que toute la police est sur pied et qu’elle se permet, sans aucun droit, de défendre aux passants la circulation sur la voie publique. Si une rue de Paris était interdite pour une procession, vous verriez immédiatement nos puritains de la gauche monter à la tribune ; humbles et rampants, selon leur habitude, devant les potentats juifs, iis se gardent bien d’intervenir. Les journaux avancés agissent de même ; il n’y a que Rochefort, qui, décidément, ne respecte même pas les têtes les plus hautes, qui se soit permis de blâmer cette prétention de gêner les autres quand on s’amuse, et qui se soit égayé de l’idée, d’ailleurs singulière, « de barrer une rue le jour d’un mariage. »
Il est rare qu’on ne rencontre pas, à l’issue de ces cérémonies, le Monsieur attendri qui a déjà les yeux humides.
— Vous savez l’origine de la fortune des Rothschild , n’est-ce pas ?
— Oui, j’ai entendu vaguement parler.
— Au moment de l’arrivée des Français , l’électeur de Hesse confia cinq millions à Anselme Meyer de Rothschild.
— Pas possible ?
— Oui, monsieur, cinq millions.
— Et alors ?
— Alors, monsieur, Anselme Meyer les a rendus. C’est comme je vous le dis, il les a rendus !
Votre interlocuteur n’y tient plus ; il fond en larmes au souvenir de ce beau trait.
C’est un produit de l’époque décadente où nous sommes : c’est un sensibilisé, un admiromane, pour employer une expression de Mercier. Il laisserait égorger tous les Français sans protester, mais l’histoire de cette fortune l’émeut. Il y a beaucoup de journalistes qui ont ainsi, dès qu’il est question des gros Juifs, des adfhirations de portière parlant du locataire du premier quia des chemises de soie; ils vénèrent sous eux. Quand il s’agit des Rothschild , Ignotus, si indépendant d’ordinaire, est de cette école.
Demander vingt-cinq mille francs à des millionnaires pour leur faire