LA FRANCK JUIVE
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brocanteurs de l’univers ont versé leurs emplettes douteuses sur Paris ; la contrefaçon, l’i nitation ont pris des proportions inouïes. Beaucoup de gens du monde, qui croient posséder une galerie d’une valeur réelle, n’ont chez eux que de faux bibelots, des toiles pastichées, des plats en cuivre repoussé que j’ai vu moi-même fabriquer dans des maisons que je pourrai désigner.
On n’ose détromper ces illusionnaires. il y a, en eilet, quelque chose de touchant dans le spectacle de ce pauvre Aryen qui s’est laissé chasser de ses châteaux, dépouiller de tout ce qu’il possédait, et qui époussette, avec une joie enfantine, quelque armure apocryphe, quelque bahut truqué que le Juif a été assez adroit pour lui vendre au poids de l’or. Quand un krach se produira là encore, quand les cours de convention soutenus par des syndicats de marchands s'effondreront, une effroyable débâcle aura lieu, on ne trouvera pas dix mille francs de collections qui auront coûté cinq ou six cent mille francs'.
Lisez le Truquage, de M. Paul Eudel , qui devrait être dans toutes les familles pour les préserver de la ruine. Depuis les objets préhistoriques, jusqu’aux Diaz et aux Charles Jacques, tout sert de prétexte à une odieuse contrefaçon. On fabrique de faux silex, de fausses statuettes de Tanagra , de fausses figurines de Sèvres et de Saxe, de fausses médailles, de faux autographes, de faux bronzes.
Il y a dans ce livre des anecdotes exquises et des tours bien divertis* sauts. Quoi de plus charmant que l’histoire que racontait le Juif Goblentz qui excellait à faire des miniatures et des grisailles genre Sauvage? Un jour, il envoie un tiers vendre chez un grand marchand une miniature qu’il avait faite lui-même. Le marchand l’achète immédiatement. Peu de temps après, seconde visite avec une seconde miniature dans le môme goût que la première. Cette fois, l'acquéreur repoussa l’offre qui lui était faite, et fit même de sanglants reproches à l'intermédiaire pour lui avoir vendu une chose moderne. Celui-ci prétexta de son ignorance.
— Tenez, dit-il, je vais vous montrer de vrais Sauvage, et il ouvrit une armoire remplie de grisailles. Elles ne sont pas signées, mais elles parlent d’elles-mêmes, celles-là, ajouta-t-il.
Or, c’étaient des miniatures de Coblentz , qui en rit encore.
Ici encore éclate le manque de toute initiative chez l’aristocratie .
I. Au mois d’octobre 1884, on annonce la mise en vente, à Paris , d’une magnifique, collection de tableaux appartenant à un Américain. Les caisses arrivent, on les ouvre et on s'aperçoit avec stupéfaction que tous les tableaux sont faux et qu’aucune signature n’est authentique.