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LA FBANCE JUIVE
qui arrive à vendre cinq ou six cent mille francs au Musée de Berlin une collection de poteries moabites absolument fausse 1 2 !
Vous croyez que Saphira va s’arrêter là? Vous ne connaissez pas l’espèce qui va toujours devant elle sans mettre de bornes à la hardiesse qu’elle puise dans un insondable mépris pour nous. Saphira propose tranquillement au Britisch Muséum de lui céder, moyennant un million de livres sterlings, un exemplaire du Deutéronome , écrit en caractères moabites identiques à ceux de la stèle de Mesa, et qui n’aurait pas eu moins de 27 ou 28 siècles d’existence s. L’affaire fut presque sur le point de se conclure, et elle eût réussi sans l’intervention d’un grand archéologue français , M. Clermont-Ganneau , qui dessilla les yeux des Anglais et démontra la fraude. De désespoir, Saphira vint se suicider à Rotterdam au mois de mars 188i, et, au mois de septembre 1885, le fameux exemplaire du Deuté ronome fut vendu cent francs à Londres .
Les courses sont plus ruineuses encore pour les hommes que l’amour des faux bibelots. Le bookmaker, qu'un homme d’esprit a appelé un pick- poket arrivé, est d’ordinaire un Juif anglais . Le propriétaire d’une des principales écuries de courses est un Israélite , mêlé à l’affaire du Hondu ras , et condamné au mois de mai 1856 à deux ans de prison pour abus de confiance. Chacun connaît cette histoire. On a publié une lettre du duc Decazes du mois de juin 1875, qui prouve le fait jusqu’à l’évidence. On tolère néanmoins cet intrus parce qu’il est Juif, et le Clairon l’appelait de temps en temps notre sympathique propriétaire éleveur X. Nos élégantes continuent à porter, quand le cheval a été vainqueur, les couleurs d’un escroc, comme leurs aïeules portaient, dans les tournois, les couleurs de quelque preux chevalier qui s’était signalé par sa vaillance.
1. Ces vases, fabriqués par un arabe du nom de Selim et Qâri représentaient des bonshommes analogues à ceux de la foire au pain d’épice. L’argile était absolument identique à celle qu’emploient chaque jour les potiers de Jérusalem . « On voyait encore, dit M. Clermont-Ganneau, sous l’une des faces, des petits disques de terée cuite dont plusieurs vases étaient remplis et qu’on a pris pour des monnaies et des tessères, l’empreinte de la trame du linge sur laquelle la pâte molle avait été déposée pour être découpée en rondelles. »
Voir les Fraudes archéologiques en Palestine, de M. Clermont-Ganneau , qui est un des livres les plus amusants de ce temps-ci.
2. Le faussaire avait pris simplement un de ces grands rouleaux rituels de synagogue, contenant un texte biblique en caractères hébreux carrés, qui remontent à deux ou trois siècles; il en avait découpé les marges inférieures, il avait saucé ces bandelettes de cuir dans de l’huile de bitume et d’autres ingrédients. Puis il avait transcrit sur ces bandes, à l’aide du galam, le roseau dont on se sert encore en Orient pour écrire, des passages du Deutéronome que les savants anglais déchiffraient avec un soin pieux, lorsque M. Clermont- Ganneau vint leur montrer la fraude.