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LA FRANCE JUIVE
Besançon, c’est qu’il y avait une cause, et cette cause était un Juif, le Juif Veil-Picard, le fameux Veil-Picard que nous rencontrons à chaque instant dans ce livre, partout où l’on agiote, où l’on tripote, où l’on complote une affaire d’argent.
Le sous-secrétaire d’État de la guerre, Casimir Périer , proteste qu’il est innocent, et le ministre de l’intérieur, Waldeck-Rousseau , déclare hardiment qu’il ne connaît pas Veil-Picard. M. Georges Périn le convainc immédiatement de mensonge en lui montrant les lettres qu’il avait fait écrire au Juif par son secrétaire particulier Noël .
Pour être appelé de temps en temps le beau et fier jeune homme, dans le journal Parts, le ministre sacrifiait tranquillement les intérêts de la France .
Le lendemain ce fut bien pis. Un scandale affreux se produisit à la mairie du VII e arrondissement où étaient réunis les négociants et les fabricants qui se proposaient de soumissionner des fournitures se montant à cent millions. Casimir Périer , pour une raison toute personnelle, s’était arrangé de façon à rendre toute adjudication impossible en frappant à l’improviste tous les marchés d’un droit de 3 fr. 25 °/„ *.
Quoique, je le répète, les scandales des Cercles et des tripots me semblent avoir une importance beaucoup moins grave que les faits de cette nature, l’afiaire du Cercle de la rue Royale mérite d’être notée ici. Ce Cercle qui, selon l’expression d’un journal du boulevard, « embaumait la distinction et l’honneur, » exhalait, paraît-il, quelques odeurs moins suaves. J’avoue cependant que tout le bruit mené à ce sujet m’a laissé assez froid. Je n’irai pas jusqu’à m’écrier avec un de mes confrères : « Qu’il y ait un seul coupable, c’est déjà monstrueux en pareil lieu; plusieurs, ce serait à désespérer de l’Humanité. » On découvrirait que le Jockey-Club est un département de l’IIellade, que je ne désespérerais pas de l'Humanité pour cela.
S’il eût réitéchi davantage, notre confrère aurait vite compris qu’un tel résultat était au contraire inévitable. Continuer une vie d’oisiveté et de désordre, quand la Patrie est près de périr, révèle une âme naturellement basse et qui doit, dès que les ressources manqueront pour satisfaire les passions, se laisser aller aux expédients les plus blâmables. Si l’homme, qui jouait au quinze avec des cartes marquées à la gomme, avait été en