590
LA FRANCE JUIVE
ces corsagières, ces garnisseuses, ces manchières, à s’enquérir de ce qu’elles gagnent, de la façon dont elles vivent'.
Nulle trace de pitié non plus pour ces pauvres vendeuses des grands magasins qui, au moment des ventes exceptionnelles, restent dix ou douze heures debout, impitoyablement mises à l’amende quand elles s’asseyent en dehors des repas. Nulle attention à ces malheureuses qui, aux époques douloureuses de l’existence féminine, toutes pâles, sentant les objets tourbillonner autour d’elles, se tiennent aux meubles pour ne pas tomber. La pensée qui attendrit parfois le cœur dur des Protestants de Dickens : « Si j’étais comme cela! » ne vient pas à nos chrétiennes; elles ne songent pas à faire ce qu’ont fait les femmes d’Amérique qui, un jour, se sont entendues et ont dit aux propriétaires des grands magasins : « Nous voulons que nos sœurs les employées aient le droit de s’asseoir. »
L’amour de la toilette n’est plus cette coquetterie relativement innocente et gentille qu’ont eue les filles d’Eve à tous les siècles, c’est une sorte d’idée fixe, de vice impérieux et sombre comme le vice du baron Hulot 1 2 . Ceux qui servent ce culte idolàtrique sont l’objet d’un respect
1. L’œuvre des Cercles catholiques seule s’est préoccupée (le cette question et le Contrôle hebdomadaire qui signale tout ce qui se produit d’intéressant dans la question ouvrière, a reproduit, dans le n° du 8 juillet 1885, une lettre adressée au journal le Matin sur ce sujet. « Je puis vous citer, dit l’auteur de cette lettre, telle couturière de la rue de Kivoli qui a près de quarante femmes ou jeunes filles dans une seule chambre aérée par une seule fenêtre. Les personnes les plus fortes et les mieux nourries ne tarderaient pas à tomber malades dans une pareille atmosphère. Combien plus vite encore s'étiolent, s’affaiblissent et souvent meurent, des enfants assez mal nourries en général, puisque celles qui n’apportent pas avec elles leur petit déjeuner sont obligées d'aller manger à la gargotte !
En outre, et c’est sur ce point que j'appelle votre attention encore plus spécialement, on fait veiller ces jeunes filles et ces jeunes femmes jusqu'à neuf heures, souvent minuit) Alors ce n’est plus leur déjeuner, c’est leur dîner qu’elles prennent à la gargotte, et comme souvent elles n’en ont pas les moyens, elles mangent un morceau de paiti et dinent en rentrant chez elles. Or, comme elles demeurent loin de la maison où elles travaillent, toutes sans exception, elles mangent à onze heures du soir ou à minuit passé, et se couchent là- dessus, mortes de fatigue, digérant mal, et en peu d’années, pour ne pas dire en quelques mois, s’abîment complètement la santé. »
L’auteur de cette lettre termine eu disant :
« Si nos conseillers socialistes s’occupaient un peu de leur affaire au lieu de débaptiser les rues et de faire de la politique, ils obtiendraient facilement une organisation comme celle qui régit les ateliers de femmes en Angleterre... »
Le rédacteur chargé du Contrôle aurait dû ajouter : « Si les grandes dames qui affichent bruyamment des sentiments charitables, pour avoir l’occasion de s’habiller en Japonaises, avaient véritablement un cœur chrétien, elles auraient vite fait disparaitre ces abus ; il leur suffirait de conslituer un comité chargé de mettre en interdit les maisons, pour la plupart juives, où l’on exploite ainsi des créatures humaines. »
2. Le nom de Hukd a été humblement porté par trois officiers géuéraux qui se signalèrent pendant les guerres de l’Empire. Aucune confusion n’est possible entre eux et le personnage de vieux débauché qu'a peint llalzac. l’our être agréable à une famille dont les