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La France juive : essai d'histoire contemporaine / Édouard Drumont
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1* A111 s ,h;ik et la société fuancaise

ce quils haïssent le plus, ce sont les hommes qui en font. Ils ne compren­nent lécrivain que sous la forme dun illettré bien informé, bien mis, intrigant, remuant, sagitant. M. de la Rochefoucauld, duc de Bisaccia, reçoit Rothschild et Mayer; il ninvite pas d'Hervilly à une soirée lon joue une de ses pièces. Lépisode est significatif encore, et la lettre, pleine de brio, écrite à ce sujet par lauteur de la Belle Saïnara à un de ses amis, vaut la peine dêtre reproduite :

Chailly-en-Bière (Seine-et-Marne ).

Je suis très mal fichu dans le coin d je técris ces lignes. Jai : hyper­trophie du foie, ictère; je suis jaune gomme-gutte, et de plus ma faiblesse est extrême. Je me lève très peu et ne peux marcher. Il y a déjà un mois que cela dure. Je ne voudrais pas crever sans t'avoir raconté comment cette fameuse grande dame dont on a tant parlé, et qui sappelle la Poli­tesse française, est morte trois fois plutôt que dentrer chez moi, et cela à propos de cette Saïnara dont les feuilles mapppelent « lheureux auteur. >>

Figure-toi que, pour cette fameuse fête japonaise, on est venu me demander des vers douverture. Je les ai faits, il sagissait des pauvres. On ne ma même pas accusé réception de ce travail demandé. Et lon na même pas envoyé une invitation à lauteur pour la tête. Cest raide.

Il faut te dire, bien entendu, que je naurais pas été chez les ducs. Mais les ducs et vidâmes me devaient bien une invitation, ne fùt- que pour la collection que je fais de ces cartons illustrés.

Du reste, constatation faite de la mort delà Politesse française dans le noble faubourg, jai songé que cétait la troisième fois que cela marrivait, au nom des pauvres, avec la même Saïnara. Voici lanecdote :

La première fois, la duchesse de Magenta me lit donner pour les pauvres, à lOdéon, la primeur de Saïnara. Dame! cétait dur! Après trois ans d'attente, sacrifier ma première! Je le fis néanmoins, pour les pauvres.

La bonne grosse dame, ayant appris que jétais au Rappel, ne daigna même pas venir voir la pièce quelle mavait demandée. Elle fit mieux, elle menaça darriver au milieu. Ce qui était une chute pour moi.

Elle ne vint pas du tout (bon Dieu soit loué!), mais personne ne me remercia. Un!

La deuxième fois, ce fut M me de Metternich qui me fit demander de donner en abandonnant mes droits Saïnara à Vienne , sur le théâtre de ia Cour, avec elle comme actrice, au bénéfice des inondés de Szegedin. Pas un mot de remerciement. Deux! !

Avec les La Rochefoucaud, même politesse.

Trois ! ! !

Je crois qu'il ne faut pas que ces notes pour lhistoire dune race qui sen va, soient perdues. Aussi je te les lègue. Il est bon que ces choses soient dites un jour ou lautre.

A toi.

K. DHERVILLY.

26 juin 1883.