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LA FRANCE JL’IVE
Non, mon cher confrère, il ne faut pas que ces notes, pour l’histoire d’une race soient perdues, c’est pourquoi je réimprime la lettre ici.
Le duc de Bisaccia n’en reste pas moins un homme fort dévoué à sa cause, fort généreux même à l’occasion; mais évidemment il a perdu dans les mauvaises fréquentations de Juifs, cette fleur de délicatesse et de courtoisie qui caractérisait jadis la noblesse française; il ne sait plus faire la différence qui convient entre un poète, un artiste qui est un être de désintéressement et de travail, et un vulgaire financier qui salit ses mains dans le maniement de l’or.
Un jour que Papillon de LaFerté, l’intendant desMenus, rendait compte à Marie-Antoinette d’une querelle qu’il avait eue avec Sedaine , il répétait toujours : « Sedaine m’a dit, j’ai dit à Sedaine ... »
— Quand le roi ou moi, interrompit la reine, parlons d’un écrivain, nous disons toujours : Monsieur Sedaine .
Le duc de Bisaccia n’a plus le sens de ces nuances ; il dirait certainement Sedaine tout court et M. de Rothschild gros comme le bras.
Si je parleainsiun peu longuement dunobie duc, c’est qu’il est, comme je l’ai déjà dit, ce que les Anglais nomment : « Un personnage représentatif. » Il est instructif et il est pénible de voir dans quelle société vit un homme qui se croit naïvement, et qui est réellement, pour la foule niaise, l’incarnation de la haute aristocratie, le représentant des idées de chevalerie, d’honneur et de foi h
Meyer admire le duc et le duc aime le commerce de Meyer 1 2 . Le nom
1. Au mois d’avril 1885, nous voyons le pauvre homme, toujours cornaqué par Meyer, assister au bai donné par le Conseil municipal à l'Ilôtel de Ville . Le chef des droites, comme on dit, parade à côté de la baronne d'Ange, à laquelle un conseiller municipal fait ouvrir avant l'heure les portes du salon où l'on soupe; il échange des poignées de main avec tous ces conseillers qui ont chassé les Sœurs des hôpitaux, arraché la croix des cimetières, persécuté de la plus sale et la plus ignominieuse façon tout ce que les honnêtes gens respectent. Franchement, était-ce là la place du duc de la Rochefoucauld-Bisaccia?
Tout est faux, d’ailleurs, dans ce personnage de vitrine. A la Chambre, il appelle le 14 juillet « la fête de l’assassinat», et ce jour-là, il fait illuminer le Jockey-Club, dont il est président. Si c’est la fête de l'assassinat, pourquoi illuminez-vous? Si c’est une fête nationale, pourquoi l’appelez-vous « la fête de l'assassinat»?
2. Pour comprendre ce qu’une pareille association a de significatif, au point de vue des mœurs d’une époque, il faut lire le Druide , un roman à clef, de la comtesse de Martel, qui nous initie à ce qui se passe dans l’intérieur du Gaulois. Il y a de tout là dedans, la tentative d’assassinat par le vitriol, le proxénétisme, le chantage. Nous apprenons là que c’est une fille, ancienne actrice aux Variétés, qui rédige le courrier mondain et enseigne aux femmes du faubourg Saint-Germain comment il faut se tenir à l’église! Voilà où en est arrivée une certaine aristocratie, l’aristocratie du plaisir.
Comine complément du Druide , on peut lire également le discours prononcé par Meyer, au mois d’août 1885, aux régates d'Évian.