Druckschrift 
La France juive : essai d'histoire contemporaine / Édouard Drumont
Entstehung
Seite
643
Einzelbild herunterladen

PARIS JUIF ET LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE

643

Lœuvre démoralisante, je lavoue, est réussie, et vraiment juive. Lhomme qui la écrite était au courant et savait de quoi il retournait. Les mots de 1807 semblent autant de pronostics pour 1870. Le général Boumi qui déclare que lart de la guerre consiste à « couper et à envelopper, » raconte davance nos malheurs, et cest bien notre pauvre armée qui se rend « par trois chemins vers un point unique elle doit se concentrer. »

Incontestablement le public des Variétés nest guère accessible à des sen­timents bien hauts, et cependant, à la reprise, quand on entendit le pitre, qui représentait le général Boum, sécrier : « Oùs quest lennemi ?» il y eut tout à coup un grand silence. Pendant une minute, dans cette salle pleine de ces gommeux, de ces boursiers, de ces comédiens, qui composent ce quon nomme le Tout Paris, se dressa le spectre de linvasion et le dou­loureux fantôme de la défaite. On revit nos généraux interrogeant lhorizon de cette France dont ils ne connaissaient pas les chemins, nos régiments tou­jours surpris, et nos malheureux soldats tombant par milliers sous les balles sans savoir d elles venaient.

Si on eût demandé à une des filles plâtrées qui étaient ce quelle pensait de cette œuvre qui semblait destinée à éteindre davance toute flamme vaillante dans les cœurs, elle se fut écriée : « Elle est ignoble ! » Camille Rousset , le savant historien, Alexandre Dumas , lauteur des belles Lettres de Junius , Sardou, lauteur du drame émouvant de Patrie, ont dit : « Cette œuvre est belle, et nous récompensons lauteur en lui accordant un

maudire les histrions et les railleurs qui avaient appris à la France à mépriser le drapeau. Quelle réponse au choix de lAcadémie , que cette conversation sur le chemin de Metz !

Cette marche, du reste, a frappé profondément tous ceux qui étaient. Il en est question dans le Journal du siège de Metz, que le peintre Protais a rédigé et quil ne veut pas publier encore. Le court fragment, que lauteur a bien voulu nous communiquer, est vraiment saisissant :

« Nous partons. La nuit est grise. De grands nuages courent sur un ciel blafard. La lune est entièrement voilée. Par moments tombe une petite pluie fine et froide. Nous suivions au pas, silencieux, encapuchonnés dans nos manteaux, la route de Metz , bordée de grands peupliers, qui profilent leur longue silhouette noire sur le ciel. Pas dautre bruit que le son mat des fers de nos chevaux sur le sol mouillé. A notre gauche, au loin, les lueurs pâles des feux de bivouacs. Pas une parole, pas un geste ; de temps à autre un cheval qui butte. Nous marchons ainsi, chacun absorbé dans ses propres pensées. Je ne sais quel est mon voisin. Cest vraiment sinistre. Nous traversons un village ; les pieds des chevaux résonnent sur le pavé. Quelques fenêtres séclairent, souvrent, et une ou deux figures inquiètes regardent passer cette sombre file de cavaliers. Nous passons et nous voici de nouveau sur la route. Les feux ne sont plus que de vagues blancheurs bien au loin. Je me sens profondément triste, je pense à ceux de nous qui vont peut-être mourir. Cette nuit semble ne jamais devoir finir. Le jour parait enfin, sans soleil, gris, morne, glacial, mais cest le jour! On se ranime; on * e rapproche un peu les uns des autres. La pluie a cessé. On allume cigares et cigarettes, et l'on cause à voix basse, comme si nous craignions de troubler le repos de ce pays malade. Devant nous mar hent les généraux muets. Les nouvelles sont mauvaises. Loin dêtre vain­queur, le maréchal Mac-Mahon serait en pleine déroute, mais on ne sait rien positivement. »