Druckschrift 
La France juive : essai d'histoire contemporaine / Édouard Drumont
Entstehung
Seite
664
Einzelbild herunterladen

664

LA FRANCE JUIVE

frères exécutant des rétablissements sur la barre fixe, dansant sur la corde, passant à travers les cerceaux. Ces acteurs vêtus de maillots couleur tendre, couverts de paillettes, chargés doripeaux,grimaçant, gambadant, marchant sur les mains, s'appellent comte de Nyon , comte de Pully , comte Bernard de Gontaut, comte de Maulle, de Beauregard, de Quélen *. Le­comte Hubert de la Rochefoucauld, vêtu dune tunique de soie bleue, avec une écharpe à glands dor, crie : miousic l à lorchestre, avec linto­nation des clowns.

Il y a un véritable cas pathologique, je le répète, dans ce besoin de se ravaler, de se déshonorer soi-même, mais cela ne choque personne. Les journaux, qui défendent la société, insèrentgravement le programme entre une tirade contre les vices du peuple et lannonce dun sermon, insistent sur les numéros, expliquent longuement la généalogie des familles s .

Le plus fort en ce genre est la représentation du cercle delà rue Royale, le duc de Morny parut habillé en femme et dansa un pas du ballet d 'Excelsior. Ce fut un ravissement. Les journaux discutèrent pendant tout une semaine pour savoir si le duc avait bien fait de couperses moustaches. Le Gaulois fut très affirmatif : « Il a eu raison, dit-il, cest très crûne ! » Le Figaro , plus réservé, déclara quil y avait du pour et du contre.

Pas plus quau Théâtre-Français, pas un vieillard représentant du vieil honneur, pas une femme ayant quelque sentiment de dignité au cœur, neut lidée de se lever, de protester, de siffler devant le spectacle de cet homme déguisé en femme et dansant avec des gestes à double entente. Le tout Paris neut pas la pudeur dAthènes qui permettait aux esclaves seuls de danser la danse obscène : le Motlion.

Nest-il pas curieux, dans ce perpétuel recommencement de lhistoire, dans l'incessant frétillement de ce serpent qui se mord la queue, de con­stater que la décadence se traduit toujours sous des formes identiques, de voir quaprès tant de siècles écoulés, la décomposition sociale, comme la décomposition physique, est absolumentla mêmedansses manifestations? Le duc, attifé en ballerine, et liléliogabale à la robe syrienne, aux yeux

1. Figaro, 6 mai 1883.

2. Noublions pas un joli trait de mœurs. Dans un journal qui lui appartient, le Voltaire 11. Albert Minier avait chargé un des rédacteurs de flétrir ces grands seigneurs qui désho­noraient leurs ancêtres en saffublant des oripeaux du clown. Quelques mois apres, il fondait lui-même un cirque à Neuilly , le Cirque Alberti, et conviait tout Paris à venir le regarder faire la voltige. Ce trait de Bourgeois-Uentühomrne moderne, de Bourgeois-(Je»tilhon |[ne répuh.-'ain, nest-il pas exquis? Ne prouve-t-il pas une fois de plus quels exemples utiles auraient pu douner les derniers survivants de laristocratie, sils avaient aimé autre chose que le cabotinage, le jeu, et les filles?