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LA FKANCE JUIVE
elle l’avait laissé, et ne l’ayant pas trouvé, elle crut qu’il s’en était retourné au logis où elle alla à l’instant le demander à son mari et encore à son beau-père et à sa belle-mère, qui lui ayant tous répondu qu’ils ne l’avaient pas vu les uns et les autres, commencèrent à craindre que cet enfant ne se fût égaré, et dans cette appréhension le cherchèrent dans le village, reviennent ensuite à la fontaine avec le maire du lieu, fouillent dans les buissons qui sont auprès, appellent l’enfantpar le nom de Didier qu’il avait reçu au baptême, crient et se tourmentent, mais sans le trouver.
La mère, accompagnée de son beau-père et d’une autre femme, s’étant advisée d’aller sur le grand chemin de Metz , éloigné de la fontaine d’environ deux cents pas, y trouva les vestiges des pieds de son enfant qu’elle suivit jusqu’à ce que, les ayant perdus parmi la trace des roues des charrettes et des pieds des chevaux, elle s’en revint le dire à son mari, qui courut en ce moment sur le même chemin et peu après, ayant vu venir à lui, du côté de Metz , un cavalier de la compagnie du sieur comte de Vau- demont, nommé Daniel Payer, il lui demanda s’il n’avait point trouvé un enfant : à quoi le cavalier répondit ingénument qu’il avait trouvé un Juif qui était monté sur un cheval blanc, qui avait une grande barbe noire,qui allait du côté de Metz , qui portait un enfant devant lui pouvant être âgé de trois ou quatre ans, et qu’à sa rencontre il s’était éloigné du grand chemin de la portée d’un coup de pistolet.
Ce pauvre père, qui reconnut par la circonstance de l’âge que le Juif lui avait enlevé son enfant, court après lui, demande à la porte de la ville qu’on nomme des Allemands si on l’avait vu passer. Un nommé Thibault Régnault, tourneur, qui demeure près de la même porte, lui dit qu’il l’avait vu entrer ; mais ce n’était pas assez, car il ne lui disait point où ce Juif était allé, ni où il avait porté l’enfant.
Néanmoins, le père ayant appris, presque dans le même temps, d’un habitant du village de Hez, que ce Juif était Raphaël Lévy de Boulay, lequel cet habitant avait rencontré le même jour sur le grand chemin, portant devant lui quelque chose qu’il couvrait de son manteau, et que, lorsqu’il venait à Metz , il logeait chez le nommé Garçon , Juif, son parent, il fut à l’heure même chez ce Juif demander son enfant. On lui dit qu’on ne savait ce que c’était, et que le maître du logis n’y était pas; il se résolut de l’attendre, et ayant vu près de la porte une femme, il lui dit encore qu’il cherchait son enfant, et tôt après une fille juive quirevenait de ta ville et qui savait que cet homme demandait son enfant, dit, parlant à la femme en langue allemande, qu’il ne fallait rien dire. Ce que le père, qui parle allemand , ayant entendu s’en revint, et ne doutant plus de la perte de son fils, songea dès lors d’en poursuivre la vengeance contre Raphaël Lévy.
Ce RaphaëlLévy était un hommede cinquante-six ans, de moyenne taille les cheveux noirs et frisés, la barbe noire et fort épaisse. Agent juif très zélé, il avait parcouru le Levant, l’Italie , l’Allemagne , la Hollande chargé des intérêts de sa religion. Il était né dans le village de Xélaincourt, situé dans le pays messin, et s’était installé depuis quelques années dans la ville de Boulay.
Le procès fut ce que sont tous les procès faits aux Juifs dans lesquels