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LA FRANCE JUIVE
Hendlé reçut de l’avancement, comme il convenait, et alla continuer le cours de ses exploits dans la Seine-Inférieure . A Dieppe , il fut ur moment gêné. Il existait là une école tenue par des religieuses qui jouissaient de l’estime et de l’affection de la population tout entière. La municipalité s’opposait résolument à ce qu’on chassât les Sœurs.
Plutôt que de consentir à cette infamie, M. Levert et ses adjoints donnèrent leur démission et furent immédiatement réélus à Tunanimité par le conseil municipal. Hendlé ne pouvait employer le fameux argument : « La voix du peuple, la volonté générale. » Il se rappelle alors les articles qu’il a publiés jadis dans les Archives Israélites sur les Juifs en Pologne : il se dit qu’on peut imiter les Russes et tout se permettre en pays conquis; il crochette les portes de l’école et jette les religieuses dans la rue'.
Exalté par ce triomphe, il devient furieux quand il retrouve devant lui ce Crucifix qu’il hait tant. Un jour, cependant, il se heurte à un homme résolu comme il y en a malheureusement trop peu à notre époque. Pour remplacer un Crucifix enlevé, M. Augé, maire d’Harmanville, vient lui- même acheter à Dieppe un magnifique Christ, et, le 7 octobre 1882, le fait placer avec l’inscription suivante :
Ce Christ a été posé à l’école communale d’Hermanville à la suite d’une souscription faite par le maire, le conseil municipal et toute la population, à l’unanimité.
Hendlé et ses agents écument, ils menacent de faire fermer l’école; le maire regarde bien en face ces misérables et leur dit froidement : « Ce Christ est dans notre école et il y restera, c’est la volonté de mes administrés. Si vous y touchez, je fais sonner le tocsin et alors gare! »
Il n’en fallait pas plus, on le devine, pour donner à des Juifs une panique épouvantable, et le préfet Hendlé s’en fut épancher, en blasphémant dans les cafés de la ville, sa rage de n’avoir pas pu toucher au Christ.
Ce qui surpasse, ce qui donne l’idée du degré où les caractères sont descendus, c’est de voir une femme, qui a du sang royal dans les veines, la duchesse de Chartres , aller rendre visite, avant son départ de Rouen , à
1. Cet Hendlé semble avoir eu la spécialité de s’occuper des Juifs polonais. En 1863 il publie dans les Archives Israélites un dithyrambe sur eux ; le 4 novembre 1865, il s’emporte à la police correctionnelle contre l’avocat général, M. Dupré Lasalle, qui, dans un procès où figuraient des Israélites polonais prévenus d’escroquerie, disait : « Il m’est d’ailleurs difficile d’ajouter foi au récit des prévenus ; ce sont des Juifs, et je ne sache pas que les Juifs aient combattu aux côtés de leurs frères et versé leur sang sur les champs de bataille de la Pologne . »