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LA FRANCE JUIVE
Quelques-unes sont des chefs-d’œuvre de précoce perfidie. Ce tigre était aussi mouton. Il éprouve un irrésistible besoin de dénoncer ; il dénonce Bordeaux , qu’il nomme « un foyer de négociantisme et d’égoïsme; « il dénonce Ysabeau « qui mange du pain blanc tandis que le peuple se nourrit de fèves; » il dénonce même Carrier « qui vit dans un sérail entouré d’insolentes sultanes et d’épaulettiers qui lui servent d’eunuques. »
Avec cela il était folâtre. Il demandait des subventions pour le théâtre de Bordeaux , il voulait régénérer la nation par les ballets : « Comme j’ai vu les incalculables effets de ce genre de fêtes, disait-il, j’ai cru salutaire de l’offrir, au moins sur la scène, à toute la France , et j’ai composé un petit divertissement patriotique : les Engagements de citoyennes. »
C’est par ce côté badin que Lockroy tient de la famille. Après avoir traversé les petits journaux à la suite de Wolff, il a passé par le théâtre Déjazet, avant de monter sur le théâtre de la politique. C’est le persécuteur vaudevilliste. Saint-Simon disait de Pussort qu’il avait « une mine de chat fâché. » Lockroy, quand il a réussi à attirer l’attention sur lui, a une mine de chat content, de chat qui fait ses ordures dans de la braise. L’œil est à signal, comme celui des joueurs de bonneteau; il y a de l’inquiétude du camemt, qui amasse la foule sans cesser d’être aux aguets, dans cette petite physionomie éveillée, sournoise et méchante.
11 est malin. Il l’a prouvé sous la Commune. Il était fort embarrassé de son attitude à Paris . Approuvant les actes du gouvernement insurrectionnel, mais redoutant prudemment de s’associer à un mouvement qu’il savait devoir échouer, il trouva à cette situation un dénouement plus habile que celui du Zouave est en bas. Il profita des circonstances pour aller faire une promenade champêtre et voir si les lilas poussaient du côté de Cla- mart ; des amis obligeants le firent enlever par une patrouille et remettre en liberté quand la Commune fut terminée.
Le bon peuple resta convaincu que ce pur serait mort pour'lui, et depuis ce temps le regarde comme un bon, ce qu’on appelle un républicain numéro un.
que cet aimable jeune homme lançait des chiens de boucher sur les proscrits et les traquait comme des bêtes fauves.
Le poète bordelais Joseph Despaze a rappelé ce détail dans les Quatre Satires ou la fin du xrui* siècle.
L'un des trois Jullien, proscripteur de vingt ans,
Ranime dans Bordeaux les bouchers haletants ;
Les meurtres sont ses jeux et les têtes coupées A cet enfant cruel tiennent lieu de poupées.