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LA FRANCE JUIVE
mier éditeur de Léo Taxil ; c’est ce nom que l’on trouve au bas de la première édition d’A bas la calotte. C’est Mayer qui donne en prime le Manuel clés confesseurs, qui proteste lorsque les honnêtes gens indignés arrachent des murailles les affiches immondes annonçant les Amours secrètes de Pie IX . C’est Benoît Lévy qui défend Léo Taxil poursuivi à propos de ces Billets de la Sainte Farce, non pour outrage à la pudeur publique, non pour avoir fourni le moyen de commettre d’innombrables escroqueries, mais pour « simple contravention pour le dépôt du second exemplaire. »
Les Juifs ont une grande force pour eux : l’honnêteté de leurs adversaires, qui les empêche d’user de représailles. Supposez, en effet, que j’aie l’idée d’écrire quelque inconvenance sur M Ue de Rothschild . Figurez-vous l’accueil que réserveraient à mon projet les religieux qui veulent bien m'honorer de quelque amitié, mes amis catholiques, le plus humble des fidèles : « Ne faites pas cela, laissez en dehors des insultes ce qui est pur, ce qui est chaste, ce qui est faible. »
Les Juifs de la Lanterne n’ont pas de ces scrupules; ils vous racontent tranquillement, avec force détails à l’appui, qu’une religieuse, la Sœur Saint-Charles, a mis au monde un enfant dans le train d’Aix . Ils en sont quittes pour quelques centaines de francs d’amende et de dommages-intérêts. Encore les dommages-intérêts sont-ils vivement combattus par le ministère public, représentant de la morale. Il serait fâcheux de ne point donner le nom de ce magistrat qui répond à l’appellation de Morin. Coûtez le raisonnement de cet homme étonnant : « Il est inutile, dit-il, d’accorder des dommages-intérêts; il y a eu diffamation sans doute, mais la Sœur Saint-Charles est une personne respectable et bien connue; or, le préjudice causé est d’autant moindre que la personne qui en souffre est plus respectée et plus estimée '. »
D’après cette doctrine singulière, celui qui discuterait la moralité de Tropmann serait plus coupable que celui qui traînerait saint Vincent de Paul dans la boue. Je me tromperais fort si « l’acacia n’était pas connu >> à ce magistrat paradoxal, et s’il n’avait pas un tablier maçonnique sous sa robe de procureur.
1. Tribunal correctionnel de Grenoble , présidence de M. Piat De via!, décembre 1882.
Si l'on se plaçait au point de vue de ce Morin, il faudrait donc admettre que le tribunal a fait peu de cas de la réputation de M me Hugues, puisqu'il lui a accordé 2.000 francs de dommages-intérêts et qull n’a con amné la Lanterne qu'à cent cinquante francs de ■ o n- mages-intérèts envers la sœur Saint-Charles. Je me hâte de dire que ce serait là une conclusion foicée; il ne faut voir dans la disproportion des deux chiffres qu’une nouvelle preuve de la servilité de la magistrature envers les députés de la gauche.