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La France juive : essai d'histoire contemporaine / Édouard Drumont
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836
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LA FRANCE JUIVE

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Le soir vient. Toute cette foule excitée et énervée commence à échan­ger des propos grivois. Les femmes se prêtent aux attouchements, vident des fioles de champagne, donnent à haute voix des rendez-vous dans les hôtels du voisinage, puis, fatiguées de lattente, nosant quitter leurs places, sacrifient publiquement à la nature sur le parquet qu'elles souil­lent '.

Cest devant ce public bien digne deux que paradent les défenseurs de la vertu outragée.

M. Henri llochefort sétait chargé du prologue dans son journal. Qui ne se rappelle avec quel esprit féroce il sest acharné sur la pauvre reine Ilortense, à laquelle M mc de Rémusat elle-même, qui n'est pas tendre, a rendu un éloquent hommage : il a répété cent fois quelle avait été la maîtresse de lamiral Werhuel; il a traité lImpératrice delà façon la plus outrageante; il a affirmé que le Prince Impérial était un bâtard; il a renou­velé sur linfortunée Marie-Antoinette lattentat que le bourreau commit, dit-on, sur Marie Stuart : il a ramassé les calomnies dI lébert, pour accuser cette reine de mœurs sans nom, et souffleté cette tête coupée que l'exécu­teur navait pas osé prendre par les cheveux pour la montrer au peuple. Maintenant, il déclare que lhonneur dune femme est chose sacrée et que ceux- sont vils qui osent y toucher.

Mais Anatole de la Forge vient dentrer en scène. Il a félicité sans doute Mayer, « son vieil ami, » lorsquil a accusé une Sœur de Charité davoir accouché en wagon, et le voilà, lui aussi, qui entonne son grand air sur lhonneur des femmes N'essayez pas de faire comprendre à ce chevalier que la calomnie contre une femme est aussi infâme chez Mayer que chez Morin, ce galant homme vous répondrait cyniquement : « Morin

1. Voir, sur toutes res scènes incroyables que nous atténuons, 1rs journaux de l'époque, dppuis le Figaro jusquà la Justice, et un tableau très vivement brossé de cette orgie en pleine salle d'audience dans la Revue qt s nt<rntp. Cest qu'il faudra puiser pour se rendre compte de ce qu'était la justice en 1885.

2. Anatole de la Forge , on s'en souvient, se livra à une chaleureuse apologie de i'assas- sinat.

Le président, malgré sa faiblesse, eut un mouvement de protestation; il comprit ce quavait de corrupteur pour un pays ce fait d'un représentant de la nation venant solennel­lement affirmer le droit de tuer; il essaya de ramener le témoin à la pudeur.

De la Forge, sous cette flétrissure si méritée, parut éprouver un mouvement do boute, puis, devant les œillades de toutes les pierreuses qui étaient. le vieux beau se redressa : <« C'est mon sentiment,» dit-il.

Ni le Rouquin ni le Pacha de la Glacière n'ont été aussi loin: ils nont pas excusé l'assas­sinat, ils ont plaidé les circonstances atténuantes, livresse... Pour être bien renseignés sur l'état d'esprit général, observez la façon dont les journaux conservateurs parlent de l'inci­dent. De Pêne, un homme de droiture et de cœur, n'ose blâmer ce Robert Maraire républi­cain quen enveloppant son blâme dans les épithètes les plus flatteuses.