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LA FRANCE JUIVE
n’était pas utile à ma candidature, et Mayer l’est infiniment: si Morin avait eu un journal républicain, je l’aurais appelé ; « mon vieil ami! »
Celui qui s’indigne le plus haut, c’est M° Gatineau , qui détestait tant l’armée qu’il fut frappé depuis d’apoplexie en sortant de l’atelier d’Yvon, où il avait été voir le portrait du général Forgemol. Jamais plus effronté diffamateur n’a déshonoré le barreau français , qui compte cependant de beaux spécimens dans ce genre.
Attendez qu’il ait fini de s’indigner, et vous le verrez se précipiter, la toque levée, pour serrer la main à M° Gléry qui, dans le procès de Marais, a accusé, sans l'ombre d’une preuve, une comédienne d’avoir donné la mort à sa compagne en jetant sur elle un seau d’eau glacée dans un moment critique *.
La béte immonde, pour tous ces démocrates, c’est le pauvre hère crotté, qui s’en va, pour quarante sous, chercher des arguments qui rapportent dix mille francs aux avocats, lorsqu’ils les présentent aux juges en leur donnant une gravité qu’ils n’auraient pas dans la bouche d’un Morin 8 .
L’opinion publique en Franco a tellement perdu la perception du juste
1. C'est ce que M° Le Hnrquier, dans son discours à la conférence dos stagiaires du 1 er décembre 1881, appelle « plaider les causes les plus enflammées, sans dépasser la ligne qui sépare le droit de la licence, la discussion nécessaire des agressions blessantes et stérile*. » " Le barreau, ajoute-t-il, est courtois et tient ft honneur de garder à la barre cette altitude correcte d’hommes divisés d’opinion, et s’expliquant sur toute chose avec une modération qui n’éte rien à la sincérité, ni même à la vivacité de leurs convictions. »
l.o Berquior lui-même ne s’est pas gêné pour diffamer Alphonse Daudet en donnant un sens mensonger à des lettres toutes personnelles écrites avec le laisser-allor de la vie littéraire.
S. Les journaux républicains, si respectueux de l'honneur des femmes, ont trouvé moyen do diffamer une malheureuse femme qui n'avait plus de jambes et qui vivait de la charité des passants! Vous avez tous connu ce triste spécimen des misères humaines qui so tenait sur le boulevard des Capucines et que Charles Yriarte a oubliée dans ses Célébrité* de lu rue. Assurément, vous vous seriez attendu à ce que la presse ne s’attaquêt jamais à cetto infortunée. Vous ne connaissez pas les publicistes rouges: ils racontèrent que cotte femme était uno ancienne prostituéo, qui, poursuivie par des agents des mœurs, s’était brisé les deux jambes en sautant d’une fenêtro pour leur échapper. Or, cette femme n’avait jamais été inscrite sur les registres de la prostitution; elle n’avait jamais été recherchée par les agents des mœurs, et ollo n’avait jamais eu de jambes.
« Cetto malheureuse, dit M. Macé dans son livre : Le service de sûreté par son ancien chef, est une honnête mère de famille. .Mariée, il y a trente ans, à un sieur L..., ouvrier boulanger, elle a eu dix-huit enfants, dont trois vivent encore, habitent Paris , y exercent un métier honorable, ot jouissent d’une excellente réputation.
k Celte veuve incapable de tout autre travail a toujours gagné sa vie en implorant 1* pitié publique. Les habitués du boulevard la connaissaient depuis longtemps et lui venaient en aide.
« Mais depuis qu’elle a été calomniée dans la seule chose qu’elle possédait — son honneur — tout le monde la regarde avec mépris et aucune main ne s’ouvre plus pour elle. Elle a pu jadis, avec des dons charitables, élever une nombreuse famille; elle ne peut plus aujourd'hui suffire à sa propre existence. »
Avouez que cette victime est autrement intéressante que .M m< “ Hugues, qui est jeune.