LA PERSÉCUTION JUIVE
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Rédacteur d un journal avancé, le Sampiero, Saint-Elme avait com- b.itiu avec infiniment de courage l’opportunisme qui, en Corse, avait fini p ir s implanter en s’appuyant sur ces êtres avides et corrompus que contient toujours une population même foncièrement probe et loyale comme celle de la Corse. Il s’était élevé contre la conduite du préfet Trémontels qui, selon son expression, « avait fait de la préfecture une maison de tolérance et une succursale de la forêt de Bondy. .»
Emmanuel Arène vit sa candidature perdue et essaya de prendre de Paris des attitudes de capitan prêt à franchir les monts et les plaines pour châtier les insolents qui se permettaient de marcher dans son ombre; il déclara comme le Ghâteaufort de Cyrano de Bergerac « qu’il allait faire pendre les quatre éléments et envoyer défendre au genre humain d’être vivant dans trois jours. »
Saint-Elme, qui avait été officier, répondit tranquillement à ce matamore qu’il était disposé à faire la moitié du chemin et qu’il viendrait jusqu’à Marseille .
Arène épouvanté se jeta dans les bras de Yeil-Picard et de Waldeck- Rousseau . Les fonds secrets furent mis à contribution et quelques jours après une tentative d’assassinat avait lieu sur l’écrivain redouté : les assassins étaient des agents de police déguisés en bourgeois. Saint-Elme, dès qu’il fut remis de ses blessures, essaya de demander une explication au préfet 1 qui tenait ses assises au café Solferino et avait installé là son cabinet. Le préfet le fit assommer à coups de barre de fer par le concierge de la préfecture aidé par le maître de l’établissement. Pour être sûr que l’attentat réussirait, le procureur de la République avait défendu à cet homme menacé de tous les côtés d’avoir des armes sur lui, et, toutes les fois qu’il savait qu’il devait être attaqué il le faisait fouiller et désarmer pour qu’il ne pilt se défendre.
Le procès du journaliste, longtemps retardé par son état de maladie, fut profondément émouvant. On le transporta à l’audience sur une civière, moribond. Près de lui se tenait la pauvre femme enceinte qui avait voulu
1. Ce préfet, qui se faisait pompeusement appeler de Trémontels, s’appelait tout simplement André. Avant d’être préfet de la Corse, il avait été préfet de 1 Aveyr n et il paraît que dans ce poste il aurait commis de nombreux détournements à laide de mandats fictifs. C’est du moins ce qu’affirma le f onctionnaire qui 1 i succéda dans l’Aveyron , M. Demangeat dans une lettre adressée à la Nouvelle Presse et publiée par elle le 12 novembre 1884 : « Je refusai à maintes reprises, dit M. Demangeat, et malgré de nombreuses lettres dé rapai 'le >1. Leguay, directeur des affaires départementales, qui connaissait le dossier, de justifier des comptes injustifiables. »
Il est vrai que dans la discussion d’une interpellation qui eut beu à la Chambre, le 10 novembre 1884, à propos de la révocation du même M. Demangeat comme inspecteur