Druckschrift 
La France juive : essai d'histoire contemporaine / Édouard Drumont
Entstehung
Seite
874
Einzelbild herunterladen

874

LA FRANCE JUIVE

œuvre et neùt pas répondu. Si celle qui lui parlait eilt succombé à len­traînement du cœur, si elle eût été victime dune de ces passions pro­fondes devant lesquelles lêtre est si faible, lauteur du Demi-Monde se fût certainement tu encore, car, si lesprit est dur chez lui, le cœur a des tendresses que le vulgaire ne connaît pas. Tel nétait pas le cas ici. Celle qui sexprimait ainsi avait été une prostituée, elle avait reçu de largent pour se livrer; cest la prostitution qui avait payé lhôtel dans lequel elle habitait, les chevaux qui la portaient au Bois, les tableaux de maîtres qui garnissaient sa demeure, la parure qui ornait sa décrépitude élégante.

Elle continuait à parler delà vertu, à flétrir les filles corrompues et les écrivains corrupteurs.

Soudain, Dumas fixa sur elle son regard bleu si aigu, puis lui frap­pant vigoureusement sur le ventre...

As-tu fini ? dit-il simplement.

Un flot de larmes vint aux yeux de la créature...

As-tu fini ? est un mot qui sert. Les plus éhontés parmi nos républi­cains tripoteurs, nos magistrats déshonorés, nos administrateurs familiers avec tous les crimes, hésitent parfois à sen prendre directement à un Parisien accoutumé à ne se gêner quavec ce qui est honnête; ils craignent cet as-tu fini? gouailleur, mépriseur, vengeur, qui rappellerait à ces im­pudents tout leur passé dinfamies.

Les prêtres, les braves gens, les vieillards habitués à respecter les conventions sociales, ne savent pas dire : As-tu fini? Malesherbes ne la pas dit à Fouquier-Tinville,etc estun des spectacles les plus afireusement comiques qui se puissent imaginer que celui de tous ces grands parle­mentaires, de tous ces personnages austères et vénérables sabaissant à donner des raisons aux misérables couverts de sang qui remplissaient alors les prétoires.

Tombées dans quelque embûche, atteintes au cœur par quelque cam­pagne organisée contre elles, les victimes de la Franc-Maçonnerie sen vont ruminer leur infortune dans un coin. Le mari quelquefois regarde sa vieille compagne, et tous deux se sont compris: ils pensent à la même chose, au malheur davoir trop vécu, à la carrière brisée, au nom que naïvement ils se figurent déshonoré *.

Quel livre à faire sur ces souffrances intimes, sur ces drames qui se

1. Voir la mort de M. Maltrejean, un vieux magistrat, frappé par Martin-Keuillée, pris d'une mélancolie noire et qui se suicida au mois de février 1885.