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LA FRANCE JUIVE
société, sa raison d’être, est d’empêcher qu’on ne le dépouille, soit par la violence, soit par la ruse, du fruit'de ce travail.
Si l’ancienne société put vivre tranquille et* heureuse, sans connaître les guerres sociales, les insurrections, les grèves, ce fut parce qu’elle reposait sur ce principe : « Pas de bénéfice sans travail. » Les nobles devaient combattre pour ceux qui travaillaient; tout membre d’une corporation était tenu de travailler lui-même, et il lui était interdit d’exploiter, grâce à un capital quelconque, d’autres créatures humaines, de percevoir sur le labeur du compagnon et de l’apprenti aucun gain illicite.
C’est une des prétentions sottes de notre temps que de croire qu’il a inventé l’économie politique. Ceux qui s’occupaient alors de ces questions n’étaient point sans doute, comme aujourd’hui, des membres de l’Instilut, Malthusiens hypocrites et lubriques, .des orateurs* de réunions publiques irrités du spectacle de la misère et préoccupés de s’attirer les applaudissements de la foule en flattant ses passions. C’étaient les saints eux-mêmes qui cherchaient à mettre l’harmonie sur la terre; des rois comme saint Louis, discutant au palais, avec Etienne Boileau, l’organis&tiun du travail ; des moines comme saint Thomas d’Aquin, s’efforçant de définir le caruc-r tère du crédit. Ce crédit, saint Thomas d’Aquin le voulait chrétien et non judaïque; il entendait qu’il fût une aide donnée par un frère à son frère, et non une exploitation, un moyen d’opprimer cruellement ceux qui n’ont rien et de dépouiller ceux qui ont peu et qui ^veulent avoir davantage sans se donner la peine de le gagner. Volontiers il eût appelé Targeût, dont on fait un usage abusif, du nom que le peuple lui donne aujourd'hui ; il l’eût appelé l 'infâme capital.
Avant lui, saint Jean Chrysostome s’était élevé contre l’agent paresseux et avide à Ta fois qui, sans travail, veut réaliser des gains odieux. « Quoi de . plus déraisonnable, avait-il dit, que de semer sans terre, sans pluie, sans charrue? Aussi tous ceux qui s’adonnent à cette damnable agriculture n’en moissonnent-ils que de l’ivraie qui sera jetée dans les flammes*éternelles..Retranchons donc ces enfantements monstrueux de l’or et de l’argent, étouffons cette exécrable fécondité ! »
Les disciples de saint François d’Assise, le sublime mendiant qui aima tant les pauvres qu’il voulut être encore plus pauvre qu’eux, eurent, avec le sûr Tnslinct que donne l’amour, la compréhension très nette de ces problèmes.
Aujourd’hui, grâce au Juif, l’argent, auquel le monde chrétien n’attachait qu’une importance secondaire, et n’assignait qu’un rôle subalterne, est devenu tout-puissant. La puissance capitaliste concentrée dans un petit