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LA FRANCE JUIVE
avec an millionnaire ou avec un besogneux, il faut lui rappeler à chaque instant qui vous êtes et qui il est...
Une autre cause rend le Juif peu propre aux relations où l’on se propose un autre but que l’intérêt, c’est la monotonie du type ; il n’a point cette culture raffinée, ce superflu intellectuel, chose si nécessaire, qui est le sel de tout entretien; on ne rencontre que très rarement chez lui ces théories brillantes et chimériques, ces aperçus piquants, ces paradoxes amusants que certains causeurs sèment au hasard dans leurs propos. S’il était fourni de ces idées, le Juif se garderait bien de les gaspiller entre camarades et il tâcherait d’en tirer de l’argent, mais en réalité il vit sur la masse. C’est un monocorde, et la causerie la plus longue n’offre nulle surprise avec lui.
Tandis que la race aryenne comporte une variété infinie d’organisations et de tempéraments, le Juif, lui, ressemble toujours à un autre Juif; il n’a point de facultés, mais .une aptitude unique, qui s’applique à tout : la Thebouna, cette subtilité pratique si vantée par les Moschlim, ce don merveilleux et inanalysable qui est le même chez l’homme politique que chez le courtier et qui le sert si admirablement dans la vie.
C’est le Juif nature qu’il faut voir pour comprendre le Juif civilisé. Le Schlossberg de Presbourg particulièrement donne bien une idée de l’état intermédiaire entre le Juif sordide de la Galicie et le Juif presque élégant des capitales.
Figurez-vous aux flancs d’une montagne une chaussée qui grimpe aride, poussiéreuse, blanchâtre. A droite et à gauche, des échoppes ou de petites maisons basses comme celles d’Orient, garnies de barreaux comme au Moyen Age. Suï la voie publique grouille pêle-mêle, au milieu de défroques de toutes sortes, de vieilles ferrailles, de meubles disparates, de tas de légumes, de monceaux d’ordures, une population de sept à huit mille Juifs. *
Il y a là des vieux étonnants de laideur à côté de jeunes filles adorable-, ment belles drapées dans des haillons; la redingote domine néanmoins chez les hommes qui se rattachent au présent par le chapeau haut de forme, et au passé par les pieds nus qui contrastent avec la coiffure.
L’aspect général cependant éveille plutôt le sentiment de la vie moderne qu’une impression d’autrefois. A vrai dire, il semble à chaque instant reconnaître des figures de connaissance, et ce coin de ghetto a l’air d’un petit Paris. Ces deux youtres à mine futée en train de dépecer les décors d’un théâtre, n’est-ce pas Dreyfus et Lockroy ? Cet homme vautré sut