LE JUIF
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des gens, dont nous soupçonnons à peine l’existence, souffrent et meurent victimes de la méchanceté des hommes, qui se retrouve identique sous toutes les latitudes.
Mais laissons ces Juifs lointains pour revenir à nos Juifs d’Europe .
Les Juifs de race plus que d’observance, comme Deronda, sont presque aussi nombreux que les autres. S’il n’y a pas de jésuite de robe courte, il y a ce qu’on pourrait nommer des Juifs dérobé courte. Disraeli, qui s’y connaissait, les a admirablement peints à maintes reprises, travaillant mystérieusement à l’œuvre commune.
Qui ne se rappelle ce passage de Coningsby ou la Nouvelle génération ?
Cette diplomatie mystérieuse, rusée, qui cause tant de soucis à l’Europe occidentale, est organisée et menée à bonne fin principalement par les Juifs; la révolution formidable qui en ce moment-ci se prépare en Alle magne et qui, dans le fait, ne sera qu’une deuxième Réforme plus importante, et dont on se doute encore si peu en Angleterre, développe son épanouissement entièrement sous les auspices de Juifs qui ont presque monopolisé le professorat en Allemagne . Néander, le fondateur du christianisme spirituel et professeur royal de théologie à l’Université de Berlin, est Juif. Benary,non moins illustre, attaché à la même Université, est Juif. Wehl, le professeur d’arabe à Heidelberg , est Juif... Mais, quant aux professeurs allemands de cette race, leur nom est légion. Je crois qu’il y en a plus de dix rien qu’à Berlin .
Il y a quelques années la Russie s’adressa à nous. Or, il n’y a jamais eu d’amitié entre la cour de Saint-Pétersbourg et ma famille. Elle a des relations hollandaises qui généralement ont fourni à ses besoins, et nos réclamations en faveur des Juifs polonais, — race nombreuse et la plus dégradée de toutes les tribus, — n’avaient pas été du goût du czar. Néanmoins, les circonstances amenèrent un rapprochement entre les Romanoff et les Sidonia. Je résolus de me rendre moi-même à Saint-Pétersbourg . Lors de mon arrivée j’eus une entrevue avec le ministre des finances russe, le comte Cancrin : j’eus affaire au fils d’un Juif lithuanien. L’emprunt se reliait à des affaires en Espagne où je résolus de me rendre en quittant la Russie .
J’eus une audience avec le ministre espagnol, Senor Mendizabal : je me trouvai en face d’un de mes semblables, le fils d’un Nuevo Ghris- tiano, un Juif d’Aragon. Par suite des révélations qui transpirèrent à Madrid , je me rendis directement à Paris pour consulter le président du conseil des ministres français . Je trouvai le fils d’un Juif français , un héros, un maréchal de l’Empire, et ce n’est que juste, car qui voulez-vous qui soient des héros, sinon ceux qui adorent le Dieu des armées?
— Et Soult est-il Juif?
— Oui, ainsi que d’autres maréchaux de France et non les moins fameux, Masséna, par exemple: son nom réel était Manasseh ; — mais revenons à mon anecdote. La conséquence de nos consultations fut qu’on s’adresserait à une des puissances du Nord à titre amiable et médiatif.