LE JUIF
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et mènent à l’ivrognerie ou à la folie. Une autre fois, c’est un grand seigneur porteur d’un beau nom et qui aura rudoyé aux courses un baron suspect; on s’arrange pour procurer au malheureux une maîtresse juive; un coulissier affilié à la bande vient lui proposer une affaire avantageuse ; on amorce parfois la victime par un premier gain, et finalement elle se trouve à la fois ruinée et notée d’infamie.
Si le marchand, l’écrivain, le grand seigneur s’étaient entendus, s’ils s’étaient unis, ils auraient échappé, ils se seraient défendus mutuellement ; chacun aurait apporté un appui à l’autre, mais je le répète, ils succombent sans se voir et sans soupçonner même quel a été leur vrai ennemi.
Grâce à cette solidarité, tout ce qui arrive à un Juif dans le coin le plus reculé d’un désert prend les proportions d’un événement. Le Juif, en effet, a une façon de piailler qui n’est qu’à lui. Ce n’est pas en vain qu’on lui a dit : « Croassez et multipliez, innombrable postérité d’Abraham 1 »
La criaillerie du Juif rappelle toujours ces tumultes du Moyen Age , où un infortuné porteur de loque jaune, rossé pour un méfait quelconque, poussait des lamentations affreuses qui agitaient tout le ghetto.
Par malheur pour les oreilles délicates, il y a constamment dans le monde un Juif qui crie et qui réclame quelque chose. — Que réclame-t-il ? Ce qu’on lui a pris, ce qu’on aurait pu lui prendre et, enfin, ce qu’il aurait pu gagner.
Très souvent l’Anglais , qui sent une affaire, se met à crier derrière le Juif et à pousser des aôh! a ôh! gutturaux qui rendent la cacophonie épouvantable.
Qui ne se souvient du Juif Paciüco que Thouvenel, alors notre représentant en Grèce , en un temps où nos représentants n’étaient ni Juifs, ni domestiques de Juifs, menaça, s'il ne se taisait pas, de faire pendre au grand mât d’un de nos navires de guerre ?
Qui ne se rappelle le Juif Lévy de l’Enfida ?
Qui a oublié Mortara, ce petit Juif à propos duquel toute la presse vendue à Israël accabla d’injures un saint pontife qui se contenta de dire au gamin avec son sourire angélique : « Cher enfant, tu ne sauras jamais ce que ton âme m’aura coûté I »
Le père Momolo Mortara était un type; il exploitait son fils comme Raphaël Félix exploitait Rachel qu’il s’était réservé le droit, dans son traité avec l’imprésario américain, de montrer morte et revêtue du péplum dans son cercueil. Dès que le père Mortara avait besoin d’argent, il sentait sa douleur se renouveler, et il allait trouver Gavour. Gavour, qui prétendait que l’affaire Mortara l’avait autant aidé à faire l’Italie que Garibaldi,