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LA FRANCE JUIVE
donnait quelques ducats au père éploré; les journaux libéraux français qui applaudissaient à l’unité italienne , comme ils devaient, avec leur patriotisme ordinaire, applaudir à l’unité allemande, entonnaient leur grand air de bravoure contre le fanatisme éternel, le Saint-Office, le despotisme papal ; ils versaient des larmes sur ce père qu’ils appelaient « une victime sacerdotale ».
La mort de Gavour et l’occupation de Rome par les Italiens ruinèrent ce pauvre Mortara qu’on mit au rancart dès qu’on n’eut plus besoin de lui ; accusé d’assassinat, il passa devant la cour d’assises de Bologne , le 28 octobre 1871, et il eut la chance d’être acquitté, grâce à l’appui des Francs-Maçons .
D’après un journal allemand , l’Elbf-Zeitung , Victor Salmon dit Victor Noir aurait été le petit-fils d’un Juif du Palatinat appelé Salme ou Salomon, qui était dans sa jeunesse et jusqu’en 1789 ministre officiant à Kirchheimbolandam. Lorsque le Palatinat devint province française, ce Salomon s’engagea, je ne sais à la suite de quelles vicissitudes, dans l’armée italienne, y devint officier, abandonna l’armée pour se marier, entreprit un petit commerce, n’y réussit pas et vint se fixer à Paris où il vécut en donnant des leçons.
Je dois dire que ce récit reproduit, sous réserve, il est Vrai, par les Archives Israélites (n° du 1 er mai 1870), a été déclaré inexact par le frère de Victor Noir , au moment de la publication de la France Juive, dans une lettre qui me paraît concluante.
Un peintre vexé expose une charge d’un goût douteux. Le personnage raillé, maître incontesté du théâtre contemporain, académicien, auteur de vingt chefs-d’œuvre, fort au-dessus de pareilles plaisanteries, hausse les épaules et tout au plus, sur le conseil de ceux que Girardin nommait des « amis mortels », se prépare paisiblement à intenter un procès. Un Juif se trouve là, éprouve le besoin de faire parler de lui, et il se permet, lui incapable de produire une œuvre d’art, de venir abîmer brutalement une création artistique. Toutes les sympathies, qui étaient pour le vétéran des lettres françaises, se retournent immédiatement vers le peintre.
Supposez un élève de nos religieux, indigné par la vue de ces ignobles caricatures où les maîtres qui ont élevé tant de générations d’hommes éminents sont représentés dans des attitudes obscènes, supposez-le, dis-je, déchirant brusquement une image ordurière. Vous entendez d’ici le commissaire de police :
— Môsieu, la propriété est sacrée, nul n’a le droit de se faire justice