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La France juive : essai d'histoire contemporaine / Édouard Drumont
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LE JUIF

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parisien toutes les extrémités de la misère, toutes les horreurs de lamour vénal; épuisée, elle tombe un jour dinanition dans les Champs- Elysées, et se jure à elle-même que ce sera que sélèvera son hôtel, lorsque le sort, dans lequel elle a foi, laura enfin favorisée.

Elle épouse de la main gauche un pianiste juif, le célèbre Herz, qui la présente aux Tuileries comme sa femme légitime ; on léconduit, elle se promet de se venger. Herz, ruiné et chassé par elle, senfuit en Amérique; elle épouse alors, cette fois régulièrement, le marquis de Païva qui se brûle la cervelle peu après. Maîtresse du comte Henkel, elle manie lor à pleines mains; elle reçoit les hommes politiques, les écrivains, les artistes dun certain ordre dans cette demeure féerique des Champs-Élysées, dont les splendeurs nont dégales que celles de la terre seigneuriale de Pontchar- train. Avec lintelligence de sa race que doublent le ressentiment et la haine, elle organise, quelque temps avant la guerre, lespionnage prussien contre nous, ce que lui rendent faciles ses relations avec beaucoup de célé­brités politiques qui venaient raconter nos affaires en dînant. Elle a préparé la ruine de lEmpire, elle sélève tandis quil seffondre; la voilà comtesse Henkel de Donnesmarck, achetant les diamants de cette impératrice qui la repoussée, faisant reconstruire au fond de la Silésie, par Lefuel, lar­chitecte des palais impériaux, ce château des Tuileries dont elle a été expulsée.

Artiste jusquau bout des ongles, cette fille de paysans a linstinct de toutes les élégances, lintuition de lart en ce quil a de plus raffiné. Rongée par la névrose, elle ne goûte point un moment de repos au milieu de tous ces enchantements ; elle est obsédée par lidée quon veut lassassiner pour lui voler ses diamants; elle interdit sous peine de renvoi immédiat quau­cun jardinier se trouve dans son parc lorsquelle sy promène. Cette femme, qui a eu faim et qui a appartenu à tous, est plus despote, plus sévère quune archiduchesse; elle fait régner dans limmense personnel de sa domesticité la discipline la plus rigoureuse ; elle chasse un jour un malheureux maître dhôtel qui sest permis de sourire en entendant un mot spirituel à table. Puis elle meurt à cinquante-six ans, dans ses Tuileries de Silésie, dune congestion au cerveau.

Rassemblez tous ces faits jetés à la hâte, essayez détablir un peu dordre dans les péripéties de cette carrière étrange, et de cet ensemble se dégagera une figure dune essence toute particulière : une Juive.

Quel roman encore que celui de ce fils de rabbin hongrois, qui fut Midhat Pacha! Pacha, il commence, selon lusage, par servir les siens, et organise, avec Camondo et Sassoon, les écoles juives de lOrient, puis