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LA FRANCE JUIVE
Si les Juifs, en effet, ont gardé au plus profond d’eux-mêmes la notion
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d’un Dieu unique, si leur mission providentielle a été de maintenir et de répandre cette foi dans le monde, la croyance en une vie future est chez eux très confuse et très vacillante, quoique les prières funèbres en fassent mention. Les Pharisiens eurent des tendances spiritualistes, mais les Saducéens, étaient absolument matérialistes. Il est à peine question de l’immortalité de l’âme dans le Pentateuque, et le seul texte qui en parle nettement dans l’Ancien Testament est ce verset de Daniel : « Beaucoup de ceux qui dorment dans la poussière se réveilleront, les uns pour la vie éternelle, les autres pour la honte éternelle. »
La Misohna défend de sonder ces problèmes, et VAgadah rapporte à l’appui de cette défense l’histoire de quatre docteurs, Ben-Azai, Ben- Zoma, Akiba et Acher qui osèrent s’aventurer « dans les avenues du Paradis ». L’un d’eux mourut, le second devint fou, Acher apostasia, Akiba seul se tira d’affaire, grâce à son ferme bon sens.
M. Charles de Rémusat a eu parfaitement raison d’écrire à ce sujet :
Le Judaïsme, du moins le Judaïsme mosaïque, s’il ne garde pas le silence sur la vie future, en parle si rarement, si obscurément qu’il a presque réalisé le paradoxe d’une religion qui pourrait se passer du dogme sans lequel toute religion est inutile. Le législateur sacré des Hébreux semble avoir borné à ce monde tous les intérêts du peuple de Dieu. On ne peut pas aller aussi loin que saint Jean Ghrysostome et même que saint Thomas d’Aquin, qui veulent que la vie future leur ait été cachée, mais, au moins dans le Pentateuque, elle n’est insinuée qu’en termes équivoques et susceptibles d’une autre interprétation,et même,dans les livres postérieurs de l’Ancien Testament, elle demeure la plupart du temps supposée plutôt que professée. Au moins faut-il reconnaître avec saint Augustin, avec Grotius, Bossuet, Leibnitz, Fleury, que la religion juive ne mettait pas au premier rang, comme article fondamental, la certitude d’une vie à venir avec toutes ses conséquences h
On devine que, dans ces conditions, l’horizon est étroit pour les Juifs fermés à ces belles espérances qui sont notre consolation et notre joie 2 .
videront la coupe. » Dans Berachoth (60 a), Abayé renouvelle encore cette défense de parler de la mort
L’usage de vider toute l’eau d’une maison dans laquelle quelqu’un vient d'expirer est inspiré par le même sentiment. C’était une façon d’annoncer le décès au voisinage sans employer le mot néfaste.
t. Revue des Deux Mondes du 15 juillet 1S65.
2. Swedenborg, l’illuminé qui a parfois des descriptions dignes du Dante, a vu des Juifs en grand nombre dans le séjour des avides ou dans l’enfer excrémentiel de ceux qui n’ont vécu que pour la jouissance.
« La plus grande partie de cet enfer, dit-il, est composée de Juifs, qui ont été sordide-